Le Roman d'Alexandre le Grand
roi.
Celui-ci, en compagnie de Ptolémée et Héphestion, était en train de surveiller
le passage de la cavalerie sur le pont de bateaux que ses ingénieurs avaient
installé près de l’embouchure.
« Alexandre ! s’écria
Cratère. Il y a trois cents navires de guerre dans la baie de Milet. Il faut
retenir Néarque, sinon notre flotte sera coulée !
— Quand les avez-vous
vus ? interrogea le roi en fronçant, les sourcils.
— Il y a quelques heures.
Lorsque nous sommes arrivés au sommet du mont Latmos, nous avons vu surgir l’escadre
de tête. Les autres bateaux ont suivi, il y en avait à perte de vue. Des
monstres à quatre ou cinq rangs de rames.
— J’ai également vu des
« huit renforcés », ajouta Perdiccas.
— Tu en es sûr ?
— Certain ! Tirant des
rostres en bronze de cinq mille livres !
— Il faut que tu bloques
l’avancée de notre flotte, Alexandre ! Néarque ne sait rien, il n’a pas
encore dépassé le promontoire de Mycale : si nous ne l’avertissons pas, il
ira tout droit sur les Perses.
— Calmez-vous, dit le roi. Nous
avons encore le temps. » Puis, se tournant vers Callisthène qui était
assis un peu à l’écart sur son tabouret de voyage, il ajouta :
« Donne-moi une tablette et un stylet, s’il te plaît. »
Callisthène s’exécuta aussitôt et
Alexandre écrivit un court message qu’il confia à un cavalier de sa garde
personnelle. « Porte-le sans tarder au signaleur posté sur le promontoire
de Mycale, et dis-lui de le transmettre immédiatement à notre flotte, en
espérant qu’il arrivera à temps.
— J’en suis convaincu, affirma
Héphestion. Le vent de Notos avantage les Perses, qui viennent du sud. En
revanche, il est défavorable aux nôtres, qui arrivent du nord. »
Le cavalier s’engagea au galop sur
le pont de bateaux en criant à ceux qu’il croisait de le laisser passer, puis
il s’élança sur les pentes du promontoire de Mycale et rejoignit les
topographes du service itinéraire qui surveillaient la flotte de Néarque, au
nord. Ils se servaient d’un bouclier étincelant pour s’acquitter de leur tâche.
« Le roi a ordonné que tu
envoies au plus vite ce message, dit-il en tendant la tablette. La flotte perse
se trouve dans le golfe de Milet, elle est composée de trois cents navires de
guerre. »
Le topographe se mit à scruter le
ciel. Un nuage venait du sud, poussé par le vent. « Je ne peux pas, il
faut attendre que ce nuage soit passé. Regarde, il commence à obscurcir le
soleil.
— Malédiction ! s’écria le
cavalier. Pourquoi ne pas essayer avec des étendards ?
— Ils sont trop loin, expliqua
le topographe. Ils ne nous verraient pas. Nous devons être patients, cela ne
prendra pas longtemps. »
En effet, l’ombre du nuage
recouvrait à présent le promontoire, tandis que la flotte avançait en plein
soleil, bien rangée derrière le vaisseau amiral de Néarque.
Le temps paraissait s’étirer. La
flotte s’approcha de la pointe occidentale du promontoire et commença à virer à
tribord pour le dépasser.
Enfin le soleil réapparut et les
topographes lancèrent leur message en réfléchissant ses rayons. Quelques
instants s’écoulèrent. La flotte poursuivait sa route.
« Nous ont-ils vus ?
demanda le cavalier.
— Je l’espère.
— Alors, pourquoi ne
s’arrêtent-ils pas ?
— Je l’ignore.
— Recommencez !
Vite ! »
Les topographes s’exécutèrent.
« Par Zeus ! Pourquoi ne
répondent-ils pas ?
— Parce qu’ils sont à présent
dans l’ombre du nuage. »
Le cavalier faisait les cent pas en
se mordant la lèvre. Il cessait de fixer l’armée en songeant à l’état d’esprit
du roi.
« Ils l’ont reçu !
s’exclama alors le topographe. Le vaisseau amiral amène les voiles et sort les
rames. Ils ne vont pas tarder à répondre. »
Le vaisseau amiral avait réduit sa
vitesse, et l’on pouvait distinguer le bouillonnement de l’écume sous les rames
qui le poussaient vers la tête du promontoire, dans un endroit abrité.
Une lumière clignota à la proue, et
le topographe déchiffra le message :
« Longerons… la… côte…
jusqu’au… fleuve.
— Magnifique, ils ont
compris ! Va le dire au roi, et vite : le soleil ne nous permet pas
de le lui signaler d’ici. »
Le cavalier dévala la pente du
promontoire et rejoignit le souverain, qui avait réuni sur la plage le haut
commandement au grand complet. « Roi ! Néarque
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