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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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pourrait
faire de lui ce qu’elle voudrait s’il ne s’en séparait pas, et il se sentit
rougir De plus, le regard de Barsine traduisait une étrange fébrilité qui
n’avait rien à voir avec la crainte d’une mère, ou l’angoisse d’une épouse
esseulée et prisonnière. Alexandre y distinguait une émotion mystérieuse et
puissante, maîtrisée et peut-être réprimée par une volonté encore ferme mais
presque vacillante. Il lui demanda :
    « Où est Leptine ?
    — Sous ma tente. Mes fils la
surveillent.
    — Tu as pris son manteau et…
    — Oui.
    — Vous l’avez blessée ?
    — Non.
    — Je te laisserai partir et ce
secret restera entre nous. Je ne réclamerai aucune rançon, car je ne fais pas
la guerre aux femmes et aux enfants. Quand je rencontrerai ton mari, je me
battrai contre lui et je l’emporterai si cette victoire me permet de me glisser
dans ton lit. Pour l’heure, va et renvoie-moi Leptine. Demain, je te ferai
escorter là où tu le souhaiteras. »
    Barsine lui baisa la main en
murmurant des mots incompréhensibles dans sa langue maternelle. Tandis qu’elle
se dirigeait vers l’entrée, Alexandre la rappela :
    « Attends. »
    Il la rejoignit, contempla ses yeux
brillants, prit son visage entre ses mains et l’embrassa sur les lèvres.
    « Adieu, ne m’oublie
pas. »
    Puis il l’accompagna à l’extérieur
et la regarda s’éloigner. À sa vue, les deux pézétairoï qui montaient la garde
se raidirent brusquement.
    Leptine pénétra dans le pavillon
royal un peu plus tard. Elle était bouleversée par ce qui lui était arrivé et
furieuse d’avoir été séquestrée par deux adolescents. Alexandre la calma :
    « Tu n’as pas de souci à te
faire, Leptine. Cette femme avait peur de subir un acte de violence, et je l’ai
rassurée. Maintenant, va te reposer, tu es fatiguée. »
    Il l’embrassa avant de regagner sa
couche.
    Le lendemain, il ordonna que Barsine
soit escortée jusqu’à la rive du Méandre et lui remit un sauf-conduit signé de
sa propre main. Il suivit même le petit convoi sur une dizaine de stades.
    Quand elle le vit s’arrêter, Barsine
lui adressa un signe de la main.
    « Qui est cet homme ?
demanda Phraatès, son fils cadet. Pourquoi le portrait de notre père se
trouvait-il sur sa table ?
    — C’est un grand guerrier et un
homme juste, répondit Barsine. J’ignore pourquoi il possédait ce portrait. Sans
doute parce que Memnon est le seul homme au monde qui puisse rivaliser avec
lui. »
    Elle se retourna. Monté sur
Bucéphale, Alexandre se tenait immobile au sommet d’une colline battue par le
vent. Telle était l’image qu’elle garderait de lui.
    Memnon demeura dix jours sur les
collines qui entouraient Halicarnasse en attendant d’être rejoint par ceux de
ses soldats qui avaient survécu à la bataille du Granique – un millier en tout.
Puis, une nuit, il pénétra dans la ville à cheval, seul, enveloppé dans son
manteau, la tête ceinte d’un turban perse qui lui couvrait presque entièrement
le visage. Il se dirigea vers la maison du conseil.
    La grande salle des assemblées était
située près du gigantesque Mausolée, la tombe monumentale du dynaste de Carie,
Mausole, qui avait fait de cette ville la capitale du royaume.
    La lune éclairait ce cube de pierre,
surmonté d’un portique de colonnes ioniques et d’une pyramide à escaliers qui
soutenait l’imposant quadrige de bronze portant l’image du défunt.
    Scopas, Bryaxis et Léocharès, les
plus grands sculpteurs de la génération précédente, y avaient représenté des
épisodes de la mythologie grecque, dont le patrimoine appartenait depuis
longtemps à la culture indigène, et notamment les histoires qui se déroulaient traditionnellement
en Asie, telles que le combat entre les Grecs et les Amazones.
    Memnon s’attarda un moment sur un
bas-relief qui montrait un guerrier grec occupé à tirer les cheveux d’une
Amazone et à lui piétiner le dos. Il s’était toujours demandé pourquoi l’art
grec, si sublime, produisait autant de scènes de violence dont les femmes
étaient les victimes. Il avait conclu qu’il fallait incriminer la peur, cette
peur qui amenait les hommes à reléguer leurs femmes dans des gynécées et à
recourir à des « compagnes » pour prendre part à leurs banquets.
    Il songea à Barsine, qui devait déjà
être en sécurité sur la route du Roi aux grilles d’or, et il fut envahi par une
amère nostalgie. Il pensa

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