Le Roman d'Alexandre le Grand
pour enfants, mais puisque Alexandre a
vraiment l’intention d’atteindre les régions extrêmes de l’Empire perse, nous
verrons sans doute le territoire des Pygmées.
— Peut-être, répliqua
Callisthène en haussant les épaules. Mais à ta place, je n’y croirais pas trop.
Ce sont des récits populaires. On dit qu’en remontant le cours du Nil, on
rencontre vraiment des nains à la peau noire, mais je doute qu’ils aient la
hauteur d’un poing, comme leur nom l’indique, et qu’ils fauchent les épis de
blé à coups de hache. Les histoires se déforment, avec le temps et par le
bouche à oreille. Par exemple, si j’affirmais que les grues enlèvent les
enfants des Pygmées pour les offrir à des couples sans enfants, j’ajouterais un
détail fantaisiste à une histoire qui l’est déjà, sans déroger pour autant à
une certaine vraisemblance. Ai-je été clair ? »
Léonnatos était plutôt perplexe. Il
se retourna pour examiner ses mulets, chargés de gros sacs.
« Qu’y a-t-il dans ces
sacs ? demanda Callisthène.
— Du sable.
— Du sable ?
— Oui.
— Mais pour quoi faire ?
— J’en ai besoin pour
m’entraîner à la lutte. Si nous trouvons un terrain rocheux sur notre route, je
serai dans l’impossibilité de faire mes exercices. »
Callisthène secoua la tête et
talonna sa jument. Un peu plus tard, il fut dépassé par Séleucos qui galopait
vers la tête de la colonne. Celui-ci s’arrêta à hauteur d’Alexandre et lui
indiqua quelque chose sur la crête du mont Latmos.
« Tu as vu ce qui se passe
là-haut ? »
Les yeux du souverain se posèrent
sur le sommet de la montagne.
« Qu’y a-t-il ?
— J’ai envoyé deux éclaireurs
en reconnaissance : une vieille femme nous suit avec ses serviteurs depuis
ce matin.
— Par Zeus ! Je me serais
attendu à tout, sur cette terre mais pas à être suivi par une vieille
femme !
— Elle veut peut-être pêcher
quelque chose ! ricana Lysimaque qui chevauchait non loin d’eux.
— Ne dis pas de bêtises,
répliqua Séleucos. Que veux-tu que nous fassions, Alexandre ?
— Elle ne représente
certainement pas un danger. Si elle a besoin de nous, elle viendra nous le
dire. Il n’y a aucune crainte à avoir. »
Ils poursuivirent leur chemin au
pas, précédés par un groupe d’éclaireurs à cheval, puis débouchèrent sur une
vaste plaine. La vallée s’ouvrait comme un entonnoir vers la ville.
On donna le signal de repos, et les
« écuyers » dressèrent des abris de toile qui offrirent un peu
d’ombre au roi et à ses officiers.
S’appuyant à un orme, Alexandre but
quelques gorgées d’eau à une gourde. Il commençait à faire très chaud.
« Nous avons de la
visite », observa Séleucos.
Sur la colline, un homme à pied
menait par la bride une jument blanche que montait une femme d’âge avancé,
richement vêtue. Derrière, un autre serviteur tenait une ombrelle, tandis qu’un
troisième éloignait les mouches à l’aide d’un fouet de crins.
Suivait un détachement d’hommes
armés, à l’aspect nullement agressif, puis un petit nombre de charrettes et de
bêtes de somme.
Ce cortège s’immobilisa à un
demi-stade de l’armée. L’un des hommes de l’escorte s’approcha du lieu où
Alexandre se reposait, à l’ombre de l’orme, et demanda à être conduit auprès de
lui.
« Grand roi, ma maîtresse, Ada,
reine de Carie, aimerait te parler. »
Alexandre ordonna à Leptine de
lisser les plis de son manteau, de le coiffer et de poser son diadème sur sa
tête. Puis il répondit : « Ta maîtresse est la bienvenue à n’importe
quel instant.
— Même maintenant ?
interrogea l’étranger dans un grec pimenté d’un fort accent oriental.
— Oui. Nous avons peu de chose
à lui offrir, mais nous serions honorés de partager notre repas avec
elle. »
Comprenant de quoi il retournait,
Eumène fit immédiatement dresser le toit du pavillon royal afin que les invités
puissent s’asseoir à l’ombre. On disposa des tables et des chaises en toute
hâte, si bien que tout était prêt lorsque la reine se présenta.
Un palefrenier s’accroupit, et la
grande dame descendit de sa jument en posant le pied sur son dos, comme s’il
s’agissait d’un tabouret. Elle marcha ensuite vers Alexandre, qui l’accueillit
avec des manifestations de respect.
« Bienvenue, grande dame, lui
dit-il dans un grec fort distingué. Parles-tu ma langue ?
— Bien sûr,
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