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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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répondit la dame à
qui l’on apportait un petit trône en bois gravé, promptement enlevé à l’une des
charrettes qui composaient sa suite. Puis-je m’asseoir ?
    — Je t’en prie, lui dit le roi
en prenant place à son tour parmi ses compagnons. Ces hommes sont plus que des
frères pour moi, ce sont des amis et des gardes du corps : voici
Héphestion, Séleucos, Ptolémée, Perdiccas, Cratère, Léonnatos, Lysimaque,
Philotas. Et celui-ci, à l’allure plus guerrière…, il ne put s’empêcher de
sourire… c’est mon secrétaire général, Eumène de Cardie.
    — Salut, secrétaire
général », lui lança la reine en inclinant gracieusement la tête.
    Alexandre examina son invitée :
elle devait avoir près de soixante ans. Elle ne teignait pas ses cheveux et
s’abstenait de dissimuler ses tempes déjà grises, mais elle avait sans nul
doute été d’une grande beauté. Sa robe carienne de laine ouvragée en damiers,
brodée de scènes mythologiques, révélait des formes qui l’avaient certainement
rendue fort attirante quelques années plus tôt.
    Elle avait des yeux d’une belle
couleur ambrée, lumineux et sereins, légèrement maquillés, un nez droit et des
pommettes saillantes qui lui donnaient une expression très noble. Ses cheveux
étaient relevés en chignon et surmontés d’un diadème en or, lapis-lazuli et
turquoises, mais son habillement et son allure traduisaient quelque chose de
mélancolique et de désuet, comme si sa vie était désormais privée de sens.
    Les civilités et les présentations
requirent un certain temps. Alexandre vit qu’Eumène griffonnait quelques mots
sur une tablette, qu’il posa sur la table, devant lui. Il lut du coin de l’œil
ce qui y était écrit :
    Cette femme est Ada, reine de Carie.
Elle a été marié successivement à deux de ses frères, qui sont à présent
décédés. L’un d’eux avait vingt ans de moins qu’elle. Le troisième n’est autre
que Pixodaros, qui aurait pu être ton beau-père et qui l’a chassée du trône.
Votre rencontre sera sans doute très intéressante. Ne laisse pas échapper cette
occasion.
    Il venait tout juste de parcourir
ces quelques lignes quand son invitée affirma : « Je suis Ada, reine
de Carie, et je vis désormais à l’écart du monde dans ma forteresse d’Alinda.
Je suis certaine que mon frère m’en aurait également chassée s’il en avait eu
la force. La vie et le destin ne m’ont pas permis d’avoir des enfants, et je me
dirige maintenant vers la vieillesse, pleine de tristesse et surtout de
souffrance face à la manière dont Pixodaros, le dernier et le plus odieux de
mes frères, m’a traitée.
    — Mais comment as-tu su ?
murmura Alexandre à l’oreille d’Eumène, assis à ses côtés.
    — C’est mon travail,
répondit-il tout aussi bas. Et puis je t’ai déjà épargné des problèmes avec ces
gens-là, l’aurais-t oublié ? »
    Alexandre se rappela la terrible
colère de son père le jour où il avait annulé le mariage de son demi-frère,
Arrhidée, avec la fille de Pixodaros, et il sourit en songeant à l’étrangeté du
destin : cette femme à l’allure extravagante aurait pu devenir un membre
de sa famille.
    « Puis-je t’inviter à ma
modeste table ? », demanda-t-il.
    La femme hocha délicatement la tête.
« Je t’en remercie beaucoup et j’accepte ton invitation avec plaisir.
Connaissant la cuisine des armées, je me suis toutefois permis d’apporter des
mets qui, je l’espère, te plairont. »
    Elle battit des mains, et ses
serviteurs s’affairèrent aussitôt autour de ses charrettes, d’où ils tirèrent
des miches de pain parfumées, des gâteaux aux raisins secs, des tartes, des
biscuits de pâte feuilletée au miel, des petits pains fourrés à l’œuf, à la
farine et au moût cuit, ainsi que quantité d’autres douceurs.
    Une goutte de salive coula sur la
cuirasse d’Héphestion, qui contemplait la scène bouche bée ; et Léonnatos
se serait empressé de se servir si Eumène ne lui avait pas écrasé le pied.
    « Je vous en prie, invita la
dame, servez-vous librement, nous en avons en abondance. »
    Tous les officiers se jetèrent sur
ces plats qui leur évoquaient leurs repas d’enfance préparés par les mains
expertes de leurs mères et de leurs nourrices. Alexandre se contenta de mordre
dans un biscuit, puis il s’assit sur un tabouret près de la reine.
    « Pourquoi es-tu venue me
rendre visite, noble dame, s’il

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