Le Roman d'Alexandre le Grand
distance de cinq
cents pieds. Cratère leur ordonna de s’aligner et de riposter aux jets de
flèches ennemies, tirées du haut des remparts. Une salve de traits y fit
rapidement place nette.
« Vous pouvez vous mettre au
travail », cria-t-il tandis que ses hommes se hâtaient de réarmer les
balistes.
Les terrassiers se jetèrent dans le
fossé et remontèrent de l’autre côté. Ils se mirent alors à combler de terre la
grande tranchée qui s’ouvrait dans leur dos. Ils étaient protégés par le
terre-plein où ils se trouvaient, et il ne fut pas nécessaire de monter des
auvents pour cette première phase des travaux. Quand il comprit qu’ils étaient
en sécurité, Cratère ordonna à ses soldats de pointer les balistes contre la
porte de Mylasa et contre la poterne orientale, pour le cas où les assiégés
tenteraient de soudaines sorties contre les terrassiers.
D’autres escouades, commandées par
Héphestion, prirent la direction des collines, armées de scies et de
hachettes : il était indispensable de couper du bois pour éclairer le camp
pendant toute la nuit. L’énorme entreprise débuta.
Alexandre gagna alors le camp, où il
invita ses compagnons à dîner ; mais il avait demandé qu’on le tienne
régulièrement informé de la progression des travaux et de l’évolution de la
situation.
La nuit se déroula sans incidents et
les terrassiers exécutèrent les ordres du souverain sans être inquiétés par
l’ennemi.
Le quatrième jour, de vastes
tronçons ayant été remplis et aplanis, les machines purent avancer jusqu’au
pied des murs.
Ces tours, de quatre-vingts pieds de
hauteur, munies de béliers à bascule que manœuvraient des centaines d’hommes en
sécurité à l’intérieur de la construction, avaient été utilisées par le roi
Philippe au cours du siège de Périnthe. Bientôt, le large sillon formé par la
vallée renvoya l’écho du vacarme que produisaient leurs têtes ferrées qui
sapaient les murs d’enceinte tandis que les terrassiers poursuivaient leur
travail.
N’ayant pas prévu que cette énorme
tranchée serait si rapidement comblée, les défenseurs ne parvinrent pas à
s’opposer à l’action des machines. En sept jours, une brèche fut ouverte dans
la muraille, et plusieurs remparts s’effondrèrent autour de la porte de Mylasa.
Alexandre put alors lancer ses détachements d’assaut avec mission de se frayer
un chemin vers l’intérieur de la ville. Mais Memnon avait déjà aligné un grand
nombre de défenseurs, qui repoussèrent sans trop de difficultés cette
tentative.
Au cours des jours suivants, les
béliers continuèrent de marteler les murs tandis que balistes et catapultes
harcelaient l’ennemi. Constatant que la victoire était désormais à sa portée,
Alexandre réunit son haut commandement sous sa tente pour organiser la phase
ultime de l’opération.
Les troupes chargées des machines
veillaient au pied des murs en compagnie de sentinelles placées à intervalles
réguliers le long de la ligne des remparts. Celles-ci s’interpellaient
périodiquement pour garder le contact dans le noir. Leurs cris s’élevaient
jusqu’au chemin de ronde où Memnon se tenait, immobile, enveloppé dans son
manteau, scrutant l’obscurité.
Soudain, le Rhodien se souvint d’un
épisode survenu quelques jours plus tôt : des membres de la noblesse
macédonienne, amis d’Attale et de la défunte reine Eurydice, étaient venus
offrir leur aide aux habitants d’Halicarnasse.
Il donna ordre à son aide de camp,
qui l’attendait dans le noir, de les convoquer sans tarder.
La soirée était calme : une
brise légère dissipait la chaleur qui avait marqué cette journée printanière,
et le chef suprême des Perses levait de temps à autre les yeux vers l’immense
voûte étoilée qui s’incurvait vers l’ouest. Il pensait à Barsine, à sa nudité,
au regard de feu qui s’était posé sur lui au cours de leur dernière rencontre.
Il éprouva une douloureuse sensation de manque.
Son désir le remplissait d’une telle
force qu’il regrettait de ne pas pouvoir affronter Alexandre en duel. La voix
de son aide de camp le tira de sa torpeur :
« Commandant, les hommes que tu
m’as envoyés chercher sont là. »
En se retournant, Memnon constata
que les Macédoniens étaient venus au rendez-vous en tenue de combat. Il leur
fit signe de s’approcher.
« Nous voici, Memnon, dit l’un
d’eux. Nous sommes prêts, nous attendons tes
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