Le Roman d'Alexandre le Grand
en
danger ! » Et il s’élança lui-même au galop suivi de la garde royale
qui, jour et nuit, veillait en tenue de combat.
Pendant ce temps, à la tête de ses
hommes, Perdiccas tentait de se frayer un chemin parmi les remparts en ruine,
sous les traits des troupes ennemies qui s’étaient rassemblées sur la brèche,
derrière lui. Les mains et les genoux ensanglantés, il regagnait le passage en
luttant contre ses ennemis avec le courage et la force du désespoir, tandis que
le trompette continuait d’émettre des cris aigus et angoissés.
Quand la cavalerie d’Alexandre se
fit entendre, il avait déjà surgi de l’autre côté de la muraille, ses
compagnons dans son sillage.
Les troupes de Memnon sortirent
elles aussi comme un seul homme. Le terrain était parsemé de cadavres
macédoniens, entraînés par la fougue irresponsable de leur commandant dans un
assaut suicidaire.
Soudain, Alexandre se dressa devant
lui, comme s’il avait été enfanté par la nuit : la lumière des torches
jetait sur son visage des reflets sanglants et ses cheveux ondoyaient dans le
vent comme la crinière d’un lion.
« Qu’as-tu fait, Perdiccas,
qu’as-tu fait ? Tu as conduit tes soldats à la boucherie ! »,
s’exclama-t-il.
Perdiccas tomba à genoux, sous le
poids de la fatigue et du désespoir. La cavalerie d’Alexandre se déploya afin de
parer à une éventuelle attaque ennemie. Mais les vétérans de Memnon
s’immobilisèrent sur la crête de la brèche, épaule contre épaule, en rangs
serrés.
« Nous attendrons l’aube,
décida Alexandre. Attaquer maintenant serait trop dangereux.
— Donne-moi d’autres troupes et
laisse-moi intervenir, permets-moi de me racheter, Alexandre ! s’écria
Perdiccas hors de lui.
— Non, dit le roi d’une voix
ferme. N’ajoutons pas une erreur à une autre erreur. Tu auras le temps de te
racheter. »
Ils patientèrent donc en silence
jusqu’à l’aube. De temps à autre, l’obscurité était déchirée par une flèche
incendiaire que les ennemis décochaient pour éclairer le terrain qui s’étendait
devant la brèche. La flamme sillonnait le ciel comme un météore et se fichait
dans le sol en grésillant.
Quand l’aube survint, Alexandre
demanda à Perdiccas de faire l’appel, afin de compter les morts et les absents.
Seuls mille sept cents hommes, sur les deux mille qui avaient participé à
l’attaque, répondirent. Les autres étaient tombés dans l’embuscade et leurs
cadavres gisaient à présent sur le sol entre la brèche et les remparts.
Le roi ordonna à un héraut de
demander une entrevue à Memnon.
« Je dois négocier avec lui la
restitution des cadavres », lui expliqua-t-il.
Le héraut écouta les conditions
qu’Alexandre proposait puis il s’empara d’un drapeau blanc, monta à cheval et
se dirigea vers les lignes ennemies, précédé par trois sonneries de trompette
qui réclamaient une trêve.
Trois sonneries identiques leur
firent écho sur la brèche. Alors, l’homme avança lentement, au pas, jusqu’à la
base du mur effondré.
Il fut bientôt rejoint par un second
héraut : un Grec des colonies, doté d’un fort accent dorien, probablement
originaire de Rhodes.
« Le roi Alexandre désire
négocier la restitution des dépouilles de ses soldats, dit le Macédonien. Il
souhaite connaître les conditions de votre chef.
— Je n’ai pas le pouvoir de te
les exposer, répondit son interlocuteur. Cependant, le commandant Memnon est
disposé à rencontrer ton roi en personne, aussitôt après le coucher du soleil.
— Où ?
— Là-bas. » Le Grec
indiqua un figuier sauvage qui poussait près d’une tombe monumentale, le long
de la voie menant de la porte de la ville à Mylasa. « Mais votre armée
devra pour cela reculer d’un stade : la rencontre aura lieu à mi-chemin
entre les deux formations. Le commandant Memnon n’aura pas d’escorte, et nous
attendons le même comportement de la part du roi Alexandre.
— Je lui rapporterai tes
paroles, répliqua le héraut macédonien. Si je ne reviens pas immédiatement, tu
pourras considérer que le souverain a accepté ces conditions. »
Il monta à cheval et s’éloigna. Le
Grec attendit un moment avant de gravir le mur en ruine et de disparaître parmi
les rangs des vétérans.
Alexandre ordonna à son armée de
reculer à la distance requise. Il regagna ensuite le campement et s’enferma
sous sa tente en attendant que le soleil se couche. Il ne
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