Le Roman d'Alexandre le Grand
similaire aux côtés
d’Alexandre.
Cette nouvelle remplit les garçons
d’une grande agitation : ils n’avaient jamais vu de Perses, et ce qu’ils
savaient de ce pays provenait de leurs lectures d’Hérodote ou de Ctésias, ou
encore du journal de la fameuse « retraite des Dix Mille » de
l’Athénien Xénophon. Ils se hâtèrent donc d’astiquer leurs armes et de préparer
leurs vêtements de cérémonie.
« Mon père a parlé à un homme
qui avait pris part à l’expédition des Dix Mille, raconta Héphestion, et qui
avait affronté les Perses à la bataille de Cunaxa.
— Vous imaginez, les
garçons ? intervint Séleucos. Un million d’hommes ! »
Et il mettait ses mains en éventail
devant lui comme pour représenter l’immense front des guerriers.
« Et les chars faucheurs ?
ajouta Lysimaque. Ils vont aussi vite que le vent dans leurs plaines, et ils
sont armés de faux qui pointent sous le caisson et sortent des essieux, pour
abattre les hommes comme des épis de blé. Je n’aimerais pas les affronter sur
le champ de bataille.
— Des pièges qui font plus de
bruit que de mal, commenta Alexandre, qui avait écouté en silence les remarques
de ses camarades. Xénophon le dit aussi dans son journal. De toute façon, nous
aurons tous l’occasion de voir comment les Perses manient leurs armes. Mon père
a organisé pour après-demain une battue de chasse au lion en Éordée, en
l’honneur de ses invités.
— Les enfants aussi sont
invités ? », ricana Ptolémée.
Alexandre se dressa devant
lui : « J’ai treize ans et je n’ai peur de rien, ni de personne. Si
tu répètes ce que tu viens de dire, je te ferai avaler toutes tes dents. »
Ptolémée se maîtrisa, et les autres
garçons cessèrent de rire. Ils avaient appris à ne pas provoquer Alexandre qui,
malgré sa taille peu développée, avait montré à plusieurs reprises une force
surprenante et une grande rapidité.
Eumène proposa à la ronde une partie
de dés où l’on jouerait la paie de la semaine, et la chose en resta là. Par la
suite, l’argent finit dans ses poches, car le Grec avait un faible pour le jeu
aussi bien que pour l’argent.
Une fois sa colère éteinte,
Alexandre abandonna ses camarades à leur passe-temps et alla rendre visite à sa
mère avant de se coucher. Olympias menait depuis longtemps une vie retirée,
même si elle conservait encore un pouvoir considérable à la cour, en qualité de
mère de l’héritier du trône. Désormais, ses rencontres avec Philippe se
limitaient presque exclusivement aux occasions prévues par le protocole.
Le roi avait entre-temps épousé
d’autres femmes pour des raisons politiques, mais cela ne l’empêchait pas de
respecter Olympias ; et si la reine avait été dotée d’un caractère moins
revêche et moins âpre, il lui aurait peut-être prouvé que son ancienne passion
n’était pas complètement morte.
La souveraine était assise dans un
fauteuil, près d’un candélabre de bronze à cinq branches, un papyrus déployé
sur ses genoux. Hors du rayon de cette lumière, sa chambre était plongée dans
l’obscurité.
Alexandre entra d’un pas léger. « Que
lis-tu, maman ? »
Olympias leva la tête :
« Sapho, répondit-elle. Ses vers sont merveilleux et son sentiment de
solitude est si proche du mien… »
Le regard tourné vers le ciel
étoilé, elle s’approcha de la fenêtre et répéta d’une voix vibrante et mélancolique
les vers qu’elle avait lus :
La nuit est à mi-course.
La lune et les Pléiades se sont
couchées,
Et je gis dans mon lit… seule.
Alexandre la rejoignit et vit dans
la lumière incertaine de la lune une larme trembler un moment sur ses cils,
avant de couler sur sa joue pâle.
8
Le maître de cérémonie donna l’ordre d’emboucher les trompettes et les
dignitaires perses firent leur entrée solennelle dans la salle du trône. La
délégation était menée par le satrape de Phrygie, Arsamès, accompagné par le gouverneur
militaire de la province et par d’autres notables, qui le suivaient à quelques
pas.
Ils étaient flanqués d’une escorte
de douze Immortels, les soldats de la garde impériale, tous choisis pour leur
grande taille, la majesté de leur port et la dignité de leur lignage.
Le satrape portait une tiare molle –
le couvre-chef le plus prestigieux après la tiare rigide, que seul l’empereur
pouvait arborer –, une veste de bysse vert, sur laquelle se détachaient
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