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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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aucune
émotion. Il se tourna vers Philippe et affirma, en plantant ses yeux dans les
siens, comme si la traduction ne lui était pas nécessaire : « Le
Grand Roi souhaite résoudre le problème de tes relations avec les Grecs d’Asie
et certains dynastes grecs de la rive orientale de la mer Égée. Nous avons
toujours favorisé leur autonomie et incité les Grecs, qui sont nos amis, à
gouverner leurs villes. C’est, à notre avis, une solution sage, qui respecte
leurs traditions et leur dignité, et sauvegarde les intérêts de tous. Hélas…,
reprit-il quand l’interprète eut terminé, nous parlons d’une région frontalière
qui a toujours fait l’objet de désaccords, sinon d’âpres querelles ou de
guerres ouvertes. »
    Le Perse pénétrait peu à peu dans le
vif du sujet en touchant des points douloureux. Désireux de détendre
l’atmosphère, Philippe invita alors le maître de cérémonie à faire entrer de
magnifiques jeunes gens, fort peu vêtus, qui servirent des gâteaux et du vin
épicé auquel on avait ajouté de la neige du mont Bermion, conservée dans des
jarres de la cave royale.
    Les coupes d’argent étaient
couvertes d’un givre léger qui donnait au métal une sorte de patine opaque et
transmettait, au regard d’abord, puis à la main, une agréable sensation de
fraîcheur. Le roi attendit que les étrangers fussent servis avant de reprendre
la parole.
    « Je vois bien à quoi tu fais
allusion, illustre invité. Je sais que des guerres sanguinaires ont opposé dans
le passé les Grecs et les Perses sans qu’une solution définitive n’ait été
trouvée. Mais je voudrais te rappeler que mon pays et ses souverains, mes
ancêtres, ont toujours joué un rôle de médiateur, et je te prie donc de
rapporter au Grand Roi que notre amitié avec les villes grecques d’Asie n’est
dictée que par la conscience de nos origines et de notre religion communes,
ainsi que par les anciens liens d’hospitalité et de parenté qui nous
unissent… »
    Arsamès écoutait, sans se départir
de son expression de sphinx, à laquelle ses yeux bistrés apportaient une
étrange fixité de statue. Quant à Alexandre, il observait tantôt l’invité
étranger, tantôt son père, essayant de comprendre ce que les deux hommes
dissimulaient derrière le paravent de leurs discours conventionnels.
    « Je ne nie pas, poursuivit
Philippe au bout d’un moment, que nous souhaitions entretenir des rapports
commerciaux avec ces cités et, mieux encore, puiser dans l’expérience qu’elles
ont accumulée dans tous les domaines du savoir. Nous voulons apprendre à
construire, à naviguer sur les flots, à régler le cours des eaux sur notre
terre… »
    Étrangement, le Perse devança
l’interprète : « Et qu’offrez-vous en échange ? »
    Philippe masqua habilement sa
surprise. Il attendit la traduction de la question et répondit d’une voix
imperturbable : « Amitié, présents hospitaliers et produits que seule
la Macédoine est en mesure de fournir : le bois de nos forêts, les chevaux
magnifiques et les robustes esclaves de nos plaines. Je ne désire qu’une
chose : que tous les Grecs qui vivent sur nos rivages considèrent le roi
des Macédoniens comme leur ami naturel. Rien de plus. »
    Les Perses semblèrent se contenter
de ce que Philippe leur disait. Ils comprenaient que le souverain macédonien ne
pouvait pas encore se permettre de se lancer dans des projets belliqueux. Et
cela leur suffisait pour le moment.
    Quand on quitta la pièce pour gagner
la salle où devait se dérouler le banquet, Alexandre s’approcha de son père et
lui murmura à l’oreille :
    « Qu’y a-t-il de vrai dans ce
que tu as dit ?
    — Presque rien, répondit
Philippe en sortant dans le couloir.
    — Et donc, eux aussi…
    — Ils ne m’ont rien dit de
vraiment important.
    — Mais alors, à quoi servent
ces rencontres ?
    — À se renifler.
    — Se renifler ? demanda
Alexandre.
    — Oui. Un vrai politicien n’a
pas besoin de mots, il se fie beaucoup plus à son nez. Par exemple, à ton avis,
aime-t-il les filles ou les garçons ?
    — Qui ?
    — Notre invité,
évidemment !
    — Mais… je l’ignore.
    — Il aime les garçons. On
pouvait croire qu’il regardait les filles, mais il observait du coin de l’œil
le petit blond qui servait du vin glacé. Je dirai au maître de cérémonie de le
lui fourrer dans son lit. Il vient de Bithynie et il connaît le perse. Nous
réussirons

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