Le Roman d'Alexandre le Grand
peut-être à découvrir d’autres choses au sujet de notre invité.
Quant à toi, tu les promèneras et leur montreras le palais royal et ses
dépendances au terme du banquet. »
Alexandre acquiesça et, quand vint
le moment, exécuta avec enthousiasme la tâche dont on l’avait chargé. Il avait
lu de nombreux ouvrages sur l’Empire perse, connaissait presque par cœur
l’Anabase de l’Athénien Xénophon et avait porté une grande attention à
l’Histoire des Perses de Ctésias, certes remplie d’exagérations fantaisistes
mais contenant des annotations intéressantes au sujet des coutumes et du
paysage. Cependant, c’était la première fois qu’il pouvait parler à des Perses
en chair et en os.
Accompagné d’un interprète, il leur
montra le palais royal et les logements des jeunes nobles, et se promit
aussitôt de réprimander Lysimaque, dont le lit n’était pas bien fait. Il
expliqua que les descendants de l’aristocratie macédonienne étaient instruits à
la cour avec lui.
Arsamès lui apprit que cette coutume
existait également à Suse, leur capitale. Le souverain s’assurait ainsi la fidélité
des chefs tribaux et des rois clients ; il éduquait aussi une génération
de nobles étroitement liés au trône.
Alexandre le conduisit aux écuries
des hétairoï, les aristocrates qui combattaient dans la cavalerie et qui
portaient justement le titre de « compagnons du roi ». Les
dignitaires assistèrent en sa présence aux évolutions de quelques chevaux
thessaliens d’une grande beauté.
« De magnifiques animaux,
commenta l’un d’entre eux.
— Avez-vous des étalons aussi
beaux ? », demanda un peu naïvement Alexandre.
Le dignitaire sourit :
« Prince, as-tu jamais entendu parler des chevaux nyséens ? »
Alexandre secoua la tête d’un air
embarrassé.
« Ce sont des animaux d’une
beauté et d’une puissance formidables. Ils ne paissent que sur les hauts
plateaux de la Médie, où pousse une herbe très riche qu’on appelle justement
« herbe médique ». Ses fleurs de couleur pourpre sont très
énergétiques, et le cheval de l’empereur en est exclusivement nourri. Les
palefreniers les cueillent une par une, et les distribuent fraîches en été, et
sèches à l’automne et en hiver. »
Captivé par ce récit, Alexandre
tentait d’imaginer l’aspect que pouvaient présenter des chevaux exclusivement
nourris de fleurs.
Ils allèrent ensuite se promener
dans les jardins, où la reine Olympias avait fait planter toutes les variétés
connues de roses de Piérie qui dégageaient, en cette période de l’année, un
parfum à la fois délicat et intense.
« Nos jardiniers en font des
infusions et des essences pour les dames de la cour, dit Alexandre, mais j’ai
lu beaucoup de choses à propos de vos parcs, que nous autres Grecs appelons
« paradis ». Sont-ils vraiment si beaux ?
— Notre peuple tire ses
origines des steppes et des hauts plateaux désertiques du Nord. C’est pourquoi
les jardins ont toujours constitué un rêve pour nous. Ils se nomment dans notre
langue pairidaeza, sont délimités par de vastes murailles et parcourus par un
système complexe de canaux d’irrigation grâce auquel l’herbe reste verte en
toutes saisons. Nos nobles y cultivent diverses sortes de plantes locales et
exotiques, y accoutument des animaux d’apparat venus de toutes les régions de
l’empire : faisans, paons, perroquets, mais aussi tigres, léopards blancs,
panthères noires. Nous essayons d’y recréer la perfection du monde tel qu’il
sortit des mains de notre dieu Ahura-Mazda, que son nom soit éternellement
loué. »
Alexandre les emmena ensuite, dans
un chariot fermé, visiter la capitale et ses monuments, ses temples, ses
portiques, ses places.
« Mais nous avons aussi une
autre capitale, expliqua-t-il : Aigai, sur les contreforts du mont
Bermion. C’est de là que provient notre famille, et c’est là que reposent nos
rois. Est-il vrai que vous possédez, vous aussi, plusieurs capitales ?
— Oh oui, jeune prince !
répondit Arsamès. Nous en avons quatre. Pasagardes, siège des premiers rois,
correspond à votre Aigai. C’est là, sur le haut plateau caressé par le vent,
que se dresse la tombe de Cyrus le Grand, fondateur de notre dynastie. Eclatane
est, quant à elle, située dans l’Élam, au milieu des montagnes du Zagros aux
neiges éternelles. C’est la capitale d’été. Les murs de la forteresse sont
recouverts
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