Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
Vom Netzwerk:
percevoir le rythme furieux du galop des chevaux lancés à la charge.
Alexandre se détachait parmi ses compagnons, vêtu de sa cuirasse, les cheveux
ébouriffés par le vent, monté sur un Bucéphale furieux.
    Lysippe se rinça les mains dans une
cuvette et s’approcha.
    « Qu’en dis-tu ?
    — C’est superbe. Je suis
toujours frappé par le frémissement de l’énergie que renferment les formes,
dans tes œuvres. On dirait que les corps sont plongés dans une sorte d’orgasme
fou.
    — Ils surprendront le visiteur,
qui les découvrira après avoir gravi une petite hauteur, expliqua Lysippe d’un
air inspiré, en levant ses grosses mains pour décrire la scène. Ils
l’écraseront, ou presque, ils le bouleverseront. Alexandre m’a demandé de
rendre ces soldats immortels, et je consacre toute mon énergie à la
satisfaction de son désir, afin de récompenser également les parents de la
perte qu’ils ont subie.
    — Par la même occasion, tu le
propulses, vivant, dans la légende, dit Aristote.
    — C’est ce qui arriverait de
toute façon, tu ne crois pas ? »
    Lysippe ôta son tablier de cuir et
le pendit à un clou. « Le dîner est bientôt prêt. Acceptes-tu de manger
avec nous ?
    — Volontiers, répondit
Aristote. Qui sont tes autres invités ?
    — Charès, mon assistant »,
dit le sculpteur en indiquant le garçon maigre à la chevelure clairsemée qui
s’affairait autour d’un modèle en bois, armé d’une gouge. Il salua le
philosophe d’un hochement de tête respectueux. « Il y aura aussi un envoyé
de la ville de Tarente, Évhémère de Callipolis, un brave homme, qui nous
donnera peut-être des nouvelles du roi Alexandre d’Epire. »
    Ils quittèrent la fonderie et
s’engagèrent sous le portique intérieur qui menait au réfectoire. Aristote
songea non sans mélancolie au dernier dîner qu’il avait partagé avec le roi.
    « Séjourneras-tu longtemps
parmi nous ? demanda Lysippe.
    — Non. Dans ma dernière lettre,
j’ai prié Callisthène de me répondre ici, à Miéza, et j’ai hâte de lire ce
qu’il m’écrira. Je poursuivrai ensuite ma route vers Aigai.
    — Tu te rends au vieux
palais ?
    — Je ferai une offrande sur la
tombe du roi et je rencontrerai quelques personnes. »
    Lysippe eut un instant d’hésitation.
« J’ai entendu dire que tu enquêtais sur l’assassinat du roi Philippe, mais
il s’agit peut-être de rumeurs…
    — C’est bien ce qui m’occupe,
confirma Aristote sur un ton apparemment impassible.
    — Alexandre le sait-il ?
    — Je crois que oui, même s’il a
d’abord confié cette tâche à mon neveu Callisthène.
    — Et la reine mère ?
    — Je n’ai rien fait pour
qu’elle l’apprenne, mais Olympias a des oreilles partout. Il est fort probable
qu’elle le sache à l’heure qu’il est.
    — Et tu n’as pas peur ?
    — Je crois que le régent
Antipatros a pris les mesures nécessaires pour qu’il ne m’arrive rien. Vois-tu
ce voiturier ? dit-il en montrant l’homme qui l’avait conduit à Miéza et
qui s’occupait des mules dans les écuries. Sa besace contient une épée
macédonienne identique à celles des gardes du palais. »
    Lysippe jeta un coup d’œil à l’homme
en question : une montagne de muscles qui se déplaçait avec l’agilité d’un
chat. Il s’agissait à l’évidence d’un attaquant de la garde royale. « Par
les dieux, il pourrait faire un bon modèle pour une statue
d’Héraclès ! »
    Ils prirent place autour de la
table.
    « Comme tu le vois, dit
l’artiste, nous n’avons rien changé par rapport au bon vieux temps : nous
continuons de manger assis.
    — C’est mieux, répliqua le
philosophe. J’ai perdu l’habitude de m’allonger pour le repas. Alors, quelles
nouvelles me donnes-tu d’Alexandre ?
    — J’imagine que Callisthène te
tient informé.
    — Bien sûr. Mais j’ai hâte de
connaître tes propres impressions. Comment l’as-tu trouvé ?
    — Il est entièrement absorbé
par son rêve. Rien ne l’arrêtera tant qu’il n’aura pas atteint son but.
    — Et quel est-il, selon
toi ? »
    Lysippe observa un instant de
silence : il semblait regarder le domestique qui attisait le feu. Puis il
dit, sans se retourner : « Changer le monde. »
    Aristote soupira : « Je
crois que tu as vu juste. Reste à savoir s·il le changera en mieux ou en
pis. »
    C’est alors que l’invité étranger,
Évhémère de Callipolis, fit son

Weitere Kostenlose Bücher