Le Roman d'Alexandre le Grand
navires à la dérive et les corps noyés, les dernières poches de
résistance furent anéanties.
Nombre de rescapés se réfugièrent
dans les sanctuaires, s’accrochant aux images de leurs divinités, et le roi
ordonna de les épargner. Mais il fut impossible de mettre un frein à la soif de
vengeance de l’armée, qui se déchaîna contre les habitants.
Deux mille prisonniers furent
crucifiés le long de la jetée. Le corps de Léonidas fut placé sur un bûcher et
ses cendres furent ramenées dans sa patrie, afin d’être enterrées au pied du
platane à l’ombre duquel il avait coutume, durant la belle saison, de dispenser
son enseignement à ses élèves.
56
Alexandre ordonna à sa flotte de se diriger vers le sud et de
transporter les machines de guerre démontées jusqu’à Gaza, la dernière place
forte avant le désert qui séparait la Palestine de l’Egypte.
Dix navires furent, en revanche,
envoyés en Macédoine pour enrôler des guerriers destinés à remplacer ceux qui
étaient tombés sur le champ de bataille. C’est au cours de cette période que le
souverain reçut une seconde lettre de Darius :
Darius, roi des Perses, Roi des
Rois, lumière des Aryens et seigneur des quatre coins de la terre, à Alexandre,
roi des Macédoniens, salut !
Je désire que tu saches que je
reconnais ton courage, ainsi que la fortune que les dieux t’ont largement
offerte. Je te propose encore une fois de devenir mon allié ou, mieux, de nouer
avec moi des liens de parenté.
Je t’offre la main de ma fille
Stateira et je te donne la région qui s’étend entre les villes yauna d’Ephèse
et de Milet et le fleuve Halys, ainsi que deux mille talents d’argent.
Je t’invite à ne pas défier le sort,
qui pourrait te tourner le dos : si tu souhaitais poursuivre ton
entreprise, tu vieillirais avant même d’avoir parcouru tout mon empire, même si
tu ne devais jamais combattre. En outre, mon territoire est défendu par des
fleuves énormes, tels que le Tigre, l’Euphrate, l’Araxe et l’Hydaspe, remparts
infranchissables.
Je te conseille donc de réfléchir et
de prendre la décision la plus sage.
Alexandre fit donner lecture de
cette lettre à son conseil de guerre réuni au grand complet. Puis il demanda :
« Qu’en dites-vous ? Que devrais-je répondre ? »
Personne n’osait suggérer au roi la
façon de réagir. Seul Parménion prit la parole, persuadé que son âge et son
prestige l’autorisaient à exprimer son point de vue. Il se borna à dire :
« J’accepterais ces conditions si j’étais Alexandre. »
Le roi baissa la tête comme s’il
comptait réfléchir à cette affirmation, avant de répliquer d’une voix
glaciale : « J’agirais de la sorte si j’étais Parménion. »
Le vieux général lui lança un regard
chagriné et surpris. Blessé dans sa dignité, il se leva et s’éloigna en
silence. Tandis que ses compagnons échangeaient des coups d’œil interdits, le
souverain poursuivit calmement :
« Le point de vue du général
Parménion est compréhensible, mais vous vous rendez compte, je l’imagine, que
Darius se contente de m’offrir la main de sa fille, puisque tout le reste
m’appartient déjà. Mieux, il me demande implicitement de renoncer aux provinces
et aux villes qui s’étendent à l’est du fleuve Halys, alors qu’elles m’ont coûté
d’immenses sacrifices. Il essaie de nous effrayer parce qu’il est lui-même
terrorisé. Nous continuerons notre route. Nous nous emparerons de Gaza et de
l’Égypte, le plus vieux pays du monde, et aussi le plus riche. »
Il opposa donc un refus méprisant
aux propositions du Grand Roi et fit avancer l’armée le long de la côte, tandis
que la flotte progressait de conserve aux ordres de Néarque et d’Héphestion.
Gaza était une forteresse
importante, mais ses murs étaient constitués de briques et elle se dressait sur
une colline argileuse à quelque quinze stades de distance de la mer. Elle était
commandée par un eunuque noir du nom de Batis, un homme très courageux, fidèle
au roi Darius. Il refusa de se rendre.
Alexandre décida donc d’attaquer. Il
effectua un tour de reconnaissance le long de la muraille afin de localiser les
endroits où l’on creuserait des galeries, et ceux où les machines de siège
pourraient s’approcher des remparts. Il s’agissait d’un problème relativement
épineux car le terrain qui entourait la colline était sableux.
Tandis qu’il
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