Le Roman d'Alexandre le Grand
à la lumière du soleil,
parmi les chants et les hymnes sacrées.
On lui présenta le taureau Apis,
auquel il rendit hommage en le couronnant de guirlandes, avant d’offrir
lui-même le sacrifice d’une antilope au dieu Ammon.
Touchés par sa piété, les prêtres
lui remirent les clefs de la ville. Alexandre ordonna qu’on commence sans
tarder les travaux de restauration du temple, abîmé en plusieurs endroits.
58
Le voyage en direction de l’oasis perdue de Siwah débuta quelques jours
plus tard, quand les blessures d’Alexandre parurent définitivement cicatrisées.
Une partie de l’armée prit la route du nord, l’autre suivait avec la flotte. On
s’était donné rendez-vous sur une lagune, située non loin du bras le plus
occidental du delta du Nil.
Mais Alexandre fut captivé par
l’ampleur de la baie, par l’île remplie de palmiers qui la protégeait contre
les vents du nord, par la vaste plaine qui longeait la plage.
Il décida donc d’y établir ses
quartiers et de fêter avec ses compagnons et son armée le succès de leur
entreprise et l’accueil pacifique que l’Égypte leur avait réservé. Avant que le
dîner ne se transforme, comme de coutume, en orgie, Alexandre voulut que ses
amis assistent aux prestations musicales d’un certain nombre d’artistes grecs
et égyptiens, et écoutent Thessalos, son acteur préféré, réciter un morceau de
bravoure : le monologue d’Oedipe dans Oedipe à Cotone.
Les applaudissements de l’assistance
ne s’étaient pas encore éteints quand on annonça au roi une visite.
« De qui s’agit-il ?
demanda Alexandre.
— De quelqu’un d’étrange,
répondit Eumène, l’air perplexe, mais il affirme qu’il te connaît très bien.
— Ah oui ? dit le roi qui
était de bonne humeur. Alors, laisse-le passer. Mais qu’a-t-il donc de si
étrange ?
— Tu le verras toi-même »,
répliqua Eumène, qui s’éloigna pour introduire le visiteur.
Dès que celui-ci entra, la salle fut
parcourue par un bruissement et secouée de quelques rires. Tous les regards se
rencontrèrent sur le nouveau venu. C’était un homme d’une quarantaine d’années,
complètement nu sous une peau de lion, qui évoquait Héraclès. Il tenait une
massue à la main.
Alexandre réfréna à grand-peine ses
rires devant ce singulier hommage à son ancêtre et, s’efforçant de garder son
sérieux, il l’interrogea :
« Qui es-tu, hôte étranger, toi
qui ressembles tant au héros Eraclès, mon ancêtre ?
— Deinocratès, répondit
l’homme. Un architecte grec.
— Voilà une étrange tenue pour
un architecte, commenta Eumène.
— Ce qui compte, pontifia
l’homme, n’est pas la tenue, mais les projets qu’un homme est en mesure
d’exposer et, éventuellement, de réaliser.
— Quel projet voudrais-tu
m’exposer ? », demanda le souverain.
Deinocratès frappa dans ses mains.
Deux jeunes gens se présentèrent et déroulèrent une grande feuille de papyrus
aux pieds d’Alexandre.
« Par Zeus ! s’exclama le
roi. Mais de quoi s’agit-il ? »
L’architecte semblait visiblement
satisfait d’avoir attiré l’attention d’Alexandre. Il entreprit
d’expliquer : « C’est un projet ambitieux, sans aucun doute, mais
digne de ta grandeur et de ta gloire. J’ai l’intention de sculpter le mont
Athos sous la forme d’un colosse qui te représenterait, comme tu le vois sur ce
dessin. Ce géant tiendra sur la paume de sa main une ville que tu fonderas
personnellement. N’est-ce pas extraordinaire ?
— Ah, pour être extraordinaire,
c’est extraordinaire, commenta Eumène. Mais je me demande si cela est
réalisable. »
Alexandre examina le projet délirant
qui le représentait à l’échelle d’une montagne, une ville entière dans la main.
Il dit : « Je crains que ce soit un peu excessif pour mes moyens… Et
puis, si j’avais l’intention de faire exécuter une statue aussi importante, je
m’adresserais à un garçon fort doué que j’ai connu à l’époque où je suivais les
cours d’Aristote, à Miéza, Un élève de Lysippe qui se nomme Charès et qui rêve
de bâtir un géant de bronze d’une hauteur de quatre-vingts coudées. Le
connais-tu ?
— Non.
— Quoi qu’il en soit, j’aurais
moi-même un projet à te soumettre.
— Celui-ci ne te plaît pas,
sire ? demanda l’architecte d’un air déçu.
— Il ne s’agit pas de ça. Il me
semble juste un peu trop… Mon projet, en revanche,
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