Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
Vom Netzwerk:
dans des étoffes de laine pour
absorber l’excès d’humidité, il le frictionnait avec de l’essence de
térébinthe. Il l’obligeait parfois à plier le genou et à toucher la fesse de
son talon, exercice que le roi détestait entre tous, car il était très
douloureux. Mais sa jambe, qui était plus courte que l’autre, risquait de se
raccourcir encore.
    Il était facile de deviner que le
roi perdait patience quand on entendait ses rugissements de lion, ou le bruit
des assiettes et des tasses brisées, signe qu’il avait fracassé contre le mur
les pots d’onguents, de tisanes et de médicaments que son médecin homonyme lui
préparait.
    Parfois Alexandre quittait le palais
royal de Pella et s’isolait dans la montagne, à Aigai, l’ancienne capitale, où
il faisait de longs séjours. Il ordonnait à ses serviteurs d’allumer un grand
feu dans sa chambre et contemplait pendant des heures la neige qui tombait à
gros flocons sur les sommets, sur les bois de sapins bleus et sur les vallées.
    Il aimait regarder la fumée
s’échapper des cabanes des bergers sur les collines, et des maisons
villageoises. Il savourait le silence abyssal qui, à certaines heures de la
soirée ou de la matinée, régnait sur ce monde magique, suspendu entre ciel et
terre ; et quand il se couchait, il demeurait longtemps éveillé, les yeux
ouverts dans le noir, tandis que les hurlements du loup résonnaient comme une
plainte dans des vallées cachées.
    Lorsque la nuit tombait après une
belle journée, il pouvait voir le sommet de l’Olympe se teinter de rouge, et
les nuages, poussés par les vents de Borée, voguer légèrement vers des mondes
lointains. Il observait les oiseaux migrateurs, il aurait voulu voler en leur
compagnie sur les vagues de l’Océan ou atteindre la lune avec les ailes du
faucon ou de l’aigle.
    Mais il savait que cela lui était
refusé et qu’un jour il dormirait lui aussi, et à jamais, sous un grand tumulus
dans la vallée d’Aigai, comme les rois qui l’avaient précédé.
    Il sentait alors qu’il abandonnait
son enfance et qu’il devenait un homme, et cette pensée le remplissait de
mélancolie ou d’excitation fébrile, selon qu’il regardait la lumière du
couchant s’éteindre dans un dernier éclat de pourpre sur la montagne des dieux,
ou les flammes brûler en tourbillonnant dans les bûchers que les paysans
allumaient sur les flancs des montagnes pour revigorer le soleil qui déclinait
de plus en plus à l’horizon.
    Péritas se blottissait à ses pieds,
près du feu, et fixait ses yeux sur lui en aboyant, comme s’il saisissait les
pensées qui venaient à l’esprit de son maître.
    Leptine, en revanche, restait à
l’écart dans un coin du palais et ne se montrait que si Alexandre l’appelait,
pour lui préparer le dîner, ou pour se lancer avec lui dans une partie de
bataille rangée, un jeu qu’on pratiquait sur une table avec des petits soldats
de céramique.
    Elle avait acquis une telle habileté
qu’il lui arrivait de battre son adversaire. Alors son visage s’éclairait et
elle clignait des yeux. « Je suis plus forte que toi ! disait-elle en
riant. Tu pourrais me nommer général ! »
    Un soir qu’il la voyait
particulièrement gaie, Alexandre lui prit la main et l’interrogea :
« Leptine, tu n’as donc aucun souvenir de ton enfance ? Comment
t’appelais-tu, quel était ton pays, qui étaient tes parents ? »
    La jeune fille se renfrogna
aussitôt, baissa la tête d’un air gêné et se mit à trembler comme si un froid
subit assaillait ses membres. Cette nuit-là, Alexandre l’entendit crier
plusieurs fois dans son sommeil des mots étrangers.
    Beaucoup de choses changèrent avec
le retour du printemps. Désormais, le roi Philippe désirait ardemment que son
fils soit connu à l’intérieur et à l’extérieur de la Macédoine. Il le présenta
donc à plusieurs reprises à l’armée rangée et voulut qu’il l’accompagne dans de
brèves campagnes militaires.
    En ces occasions, il acceptait que
son propre armurier fabrique les armes qu’Alexandre dessinait : de beaux
et coûteux objets. Il avait ordonné à Parménion de confier la protection de son
fils à ses soldats les plus valeureux, mais aussi d’autoriser le prince à se
montrer sur la ligne de combat où il flairerait l’odeur du sang, comme il le
disait.
    Pour plaisanter, les soldats
qualifiaient Alexandre de « roi » et Philippe de
« général », comme si celui-ci

Weitere Kostenlose Bücher