Le Roman d'Alexandre le Grand
nous permets de prendre les Perses à revers, je te
couvrirai d’or : tu en auras assez pour vivre dans l’abondance le reste de
tes jours, tu pourras regagner ton village, acheter la plus belle maison, des
domestiques, des femmes, du bétail, tout ce que tu désires. »
L’homme répondit sans baisser les
yeux : « Je pourrais m’acquitter de cette tâche sans en attendre la
moindre récompense, sire. Les Perses m’ont réduit en esclavage, m’ont frappé et
puni mille fois sans raison. Je suis prêt à partir dès que tu le souhaiteras. »
Léonnatos passa la tête à
l’extérieur. « Il ne neige presque plus.
— Très bien, dit Alexandre.
Alors, faites distribuer le repas et donnez du vin à ceux qui accompagneront
Cratère. Promettez une récompense en argent aux volontaires car ils devront
partir aussitôt après le dîner : les Perses penseront que nous ne sommes
pas assez fous pour retenter le coup aussi tôt. Quant à nous, nous suivrons
Rhédas après la première ronde. »
Le roi partagea son repas avec ses
amis sous la tente. Ils consommèrent une ration militaire identique à celle
qu’on distribuait aux soldats, puis chacun alla se préparer pour l’expédition
nocturne. Cratère partit le premier avec ses hommes ; comme il l’avait
annoncé, Alexandre attendit avec le gros de l’armée la fin du premier tour de
ronde.
Rhédas les conduisit jusqu’au
sentier, puis il s’engagea vers le passage avec eux, à travers d’épaisses
broussailles. Le chemin était étroit et difficile, creusé dans le flanc de la
montagne non par la main de l’homme, mais par le passage répété au cours des
siècles, des bergers ou des voyageurs cherchant un raccourci vers la route
menant en Perside. Il surplombait parfois un précipice et il fallait alors
bander les yeux des chevaux afin qu’ils n’aient pas peur. Il était de temps à
autre interrompu par un éboulement, ou rendu glissant par la glace : dans
ce cas, les hommes se donnaient la main ou s’attachaient avec des cordes pour
éviter de chuter et de s’écraser sur les rochers.
Le guide marchait d’un pas assuré en
dépit de l’obscurité : à l’évidence, il aurait été capable d’effectuer ce
trajet les yeux fermés. En revanche, plusieurs guerriers tombèrent dans le
précipice, et il fut impossible de récupérer leurs corps. Alexandre avançait à
pied derrière Rhédas, mais il s’arrêtait fréquemment pour aider ses soldats en
difficulté : il risqua même sa vie à plusieurs reprises pour les sauver.
La température se rafraîchit encore
avant l’aube, et les hommes continuèrent leur route de plus en plus
péniblement, les membres engourdis et déjà éprouvés par cette longue et
exténuante marche nocturne. Mais la légère clarté du soleil, qui se levait sur
l’horizon parmi des nuages épais, leur redonna un peu de courage. On pouvait au
moins distinguer un passage, et la végétation, de plus en plus rare, indiquait
que le sommet n’était plus très loin.
Quand ils l’atteignirent enfin, le
vent tomba et Alexandre ordonna à ses hommes de ne plus bouger tant qu’ils
n’auraient pas été rejoints par ceux qui les suivaient immédiatement. Puis ils
se mirent en marche en silence, essayant de s’abriter derrière la végétation
qui recouvrait partiellement le haut plateau.
Soudain, le guide montra une
hauteur, une sorte de rocher qui surplombait le couloir, et dit :
« Voici l’endroit de l’écho. De l’autre côté, on peut apercevoir la
forteresse qui contrôle l’accès aux Portes persiques. Nous sommes
arrivés. »
Ptolémée avança. « Penses-tu
que Cratère est déjà en position ?
— Certainement, s’il ne lui est
rien arrivé, répondit Alexandre. De toute façon, nous n’avons pas le choix.
Déploie les hommes et lance le signal : nous allons attaquer les positions
perses. »
Ptolémée rangea ses hommes sur trois
lignes : une escouade de cavalerie, l’infanterie légère des archers et des
lanceurs de javelots, puis les attaquants et les « écuyers » aux
ordres de Lysimaque. Après quoi, il donna l’ordre au sonneur de trompe
d’emboucher son instrument, et celui-ci se plaça au sommet du rocher qui
dominait le couloir. Le son s’éleva alors, perçant l’air inerte et trouble de
l’aube, aussi fort que le chant du coq. Aussitôt, l’écho lui répondit,
rebondissant plusieurs fois sur les sommets environnants, avant de s’éteindre
sur le vaste
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