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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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insensée. Grotesque. Je
suis entré par la porte occidentale. Ce palais bourré de lumières offre un
contraste dramatique avec la ville dévastée et obscure. Il y a des mois que
nous sommes ici, et Alexandre n’a pas encore donné l’ordre de reconstruire une
seule maison.
    — Il n’a pas empêché non plus
qu’on le fasse.
    — Bien sûr. Mais il n’a pas
essayé de retenir les nobles et les propriétaires. Seuls les plus pauvres sont
restés, et cela signifie que la ville est condamnée à mort. Et avec
elle… »
    Eumène leva la main comme pour
chasser une vision de cauchemar. « Je ne veux pas en entendre plus,
dit-il.
    — Où est Parménion ?
l’interrogea Callisthène en changeant apparemment de sujet de conversation.
    — Il est absent.
    — Une absence anodine à tes
yeux, j’imagine… Et le Noir ?
    — Je ne l’ai pas vu.
    — Justement. D’autre part, je
ne crois pas qu’il fasse partie la liste des invités. Mais regarde plutôt qui
vient là. »
    En se retournant, Eumène vit avancer
Thaïs, la belle Athénienne, pieds nus et dans une robe très audacieuse, semblable
à celle qu’elle portait la première fois où elle avait dansé devant le roi.
    « Je crois qu’elle a passé la
nuit avec Alexandre, ajouta Callisthène, et cela ne me dit rien de bon.
    — À moi non plus, si tu veux
tout savoir, répliqua Eumène, mais rien ne dit non plus que le mal se
transformera en pis. » Callisthène préféra ne rien ajouter. Il se dirigea
vers la porte dite « de Xerxès » et gagna le portique postérieur. De
là, on pouvait observer les tombes des souverains achéménides, creusées dans le
flanc de la montagne qui surplombait le palais et éclairées par des lampes
votives. Parmi elles se trouvait celle de Darius III, encore inachevée.
    Les cris des convives parvenaient
aux oreilles de Callisthène. Ils ne cessaient d’augmenter. Soudain, une musique
aiguë sembla dominer ce vacarme confus, rythmée par le son des tambours et des
timbales. Elle accompagnait sans doute une danse orgiaque. Callisthène leva les
yeux au ciel et murmura : « Où es-tu, Aristote ? »
    Entre-temps, Eumène s’était
rapproché du salon de l’apadana, où il avait constaté que le banquet dégénérait
rapidement. Thaïs dansait, entièrement nue ou presque, en accompagnant ses
mouvements tourbillonnants au son de minuscules timbales métalliques qu’elle
tenait entre ses doigts. À chaque pirouette, son court chiton se soulevait,
découvrant ses formes sculpturales, son pubis et ses fesses d’une fermeté
marmoréenne, tandis que les convives criaient toutes sortes d’obscénités.
    Soudain, la jeune femme s’arrêta et
s’accroupit lentement sur le sol avec la sensualité d’un félin, au rythme de la
musique, qui semblait épouser ses mouvements. Puis elle saisit un thyrse,
enroulé dans du lierre et surmonté d’une pomme de pin. Le brandissant, elle
lança un grand cri : « Komos ! »
    Comme possédée, elle se déplaçait entre
les colonnes, comme une ménade évoluant au milieu des arbres d’une forêt. Elle
appelait les invités à participer à sa danse orgiaque. Alexandre fut le premier
à répéter : « Komos ! »
    Et tout le monde se joignit à lui.
Thaïs empoigna également une torche, accrochée à un mur, et prit la tête de
cette danse paroxystique, qu’elle mena à travers la salle des audiences, les
couloirs et les chambres des appartements royaux. Elle était suivie par des
femmes entièrement nues, ou presque, dont les mouvements sensuels excitaient
les hommes qui s’unissaient à ce cortège.
    « Le dieu Dionysos est parmi
nous ! », s’écria Thaïs, le regard enflammé par le reflet de la
torche.
    Tout le monde répondit :
« Euoé !
    — Le dieu Dionysos crie
vengeance contre ces barbares !
    — Euoé ! hurlèrent à
nouveau les hommes et les femmes excités par le vin et la concupiscence.
    — Vengeons nos soldats tombés
sur le champ de bataille, nos temples détruits, nos villes brûlées ! cria
la jeune femme en jetant sa torche sur un lourd rideau de pourpre qui pendait à
côté d’un portail.
    — Oui, vengeons-les »,
répéta Alexandre.
    Comme hors de lui, il lança lui
aussi une torche sur un grand meuble en cèdre.
    Rasant les murs derrière les
invités, Eumène assistait, impuissant, à ce désastre. Il cherchait dans le
regard de ces hommes et de ces femmes une lueur de raison, mais leurs yeux ne
reflétaient que la

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