Le Roman d'Alexandre le Grand
armées
au complet, ou presque, se disposèrent en demi-cercle sur les côtés pour
assister au duel. La nouvelle s’était répandue rapidement parmi les soldats
macédoniens, suscitant parmi eux une grande excitation. La puissance de
Léonnatos et son formidable physique leur étaient bien connus : ils
avaient pu les admirer au cours des batailles. Dès qu’ils le virent apparaître,
armé de pied en cap, un grand bouclier frappé d’une étoile argéade au bras
gauche, une épée d’acier à la main droite, coiffé d’un casque à cimier vermeil,
ils poussèrent de grands cris d’encouragement.
Mais ces cris moururent sur les
lèvres de nombre d’entre eux quand la formation perse s’ouvrit devant
l’adversaire : Satibarzanès avançait d’un pas lourd et lent, il était
gigantesque. Il brandissait un sabre courbe à la lame affilée, tenait un
bouclier de bois recouvert d’éclats de fer étincelants ; son casque, de
forme conique à l’assyrienne, était pourvu d’un grand couvre-nuque de cuir
clouté et d’une jugulaire en mailles de fer. Il avait une grosse moustache
tombante et des sourcils épais qui se réunissaient au-dessus de son nez
aquilin, lui donnant un aspect féroce.
Les deux adversaires se firent face.
Ils se regardèrent dans les yeux sans mot dire, attendant le signal des deux
hérauts, macédonien et perse. L’interprète traduisit : « Le noble
Satibarzanès propose une rencontre à mort sans aucune règle, afin que le
courage et la force soient les seuls vainqueurs.
— Dis-lui que ça me
convient », répliqua Léonnatos en serrant son épée dans son poing et en se
préparant au premier assaut.
Au signal des hérauts, le combat
commença. Il ne devait se conclure que par la mort d’un des guerriers.
Léonnatos s’approcha, cherchant une
ouverture dans la garde de l’ennemi, qui se protégeait derrière son grand
bouclier, le sabre bas, comme s’il ne craignait pas les coups. Mais quand il
attaqua de la pointe de l’épée, Satibarzanès lui assena un coup foudroyant sur
le casque, qui l’étourdit et le fit vaciller.
« Recule ! s’écria
Alexandre d’une voix inquiète. Léonnatos, recule ! Protège-toi,
protège-toi ! » Il aurait aimé voler au secours de son ami, mais il
avait donné sa parole de roi que personne n’interviendrait au cours de ce duel.
Satibarzanès continuait de frapper,
tandis que Léonnatos brandissait son bouclier en reculant d’un pas hésitant.
L’armée était sans voix. Impuissante, elle assistait à ce déluge de coups. De
l’autre côté, les Perses encourageaient leur champion, qui avançait
inexorablement, bien décidé à porter à Léonnatos un coup mortel. Incapable de
réagir, celui-ci tomba à genoux. L’arme de son adversaire s’abattit sur son
bouclier, qui dévia le coup, mais elle érafla l’étoile argéade, ce que les
soldats macédoniens considérèrent comme un terrible présage. Le sabre retomba,
cette fois sur l’épaule de Léonnatos, d’où jaillit un flot de sang.
Un cri d’effroi parcourut les rangs
des pézétairoï, qui attendaient désormais le coup fatal, les yeux embués de
larmes. Mais la douleur, aussi aiguë qu’un coup de fouet, réveilla
Léonnatos : dans un sursaut d’énergie, il se releva, arracha les lanières
de son casque cabossé, qui appuyait sur son crâne, et le jeta au sol.
Comprenant, à la vue de sa blessure sanguinolente, que ses forces n’allaient
pas tarder à s’amenuiser, il fonça sur son adversaire en poussant un hurlement
sauvage.
Heurté de plein fouet par le
bouclier du Macédonien, et surpris par son rugissement, Satibarzanès perdit
l’équilibre. Léonnatos en profita : il brandit son épée et l’abattit
plusieurs fois sur son adversaire, qui tentait péniblement de parer les coups
avec son sabre. Il le renversa et redoubla d’ardeur, mais dans le feu de
l’action, son épée se brisa sur l’arme du satrape.
Satibarzanès put alors se relever et
marcher sur son ennemi sans défense. Son sabre scintilla dans les premiers
rayons du soleil, prêt à porter le coup fatal. C’est alors que Lysimaque
s’écria : « Attrape, Léonnatos ! », lançant à son ami sa
hache à double tranchant. Léonnatos l’attrapa au vol et, avant que Satibarzanès
ait eu le temps de réagir, il lui trancha le bras. Voyant le Perse pétrifié de
douleur, il lui trancha aussi la tête ; qui roula au sol, avec ses grands
yeux noirs encore écarquillés.
Un
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