Le Roman d'Alexandre le Grand
bazars, qui vendaient ou achetaient
toutes sortes de marchandises.
Les unions entre soldats macédoniens
et jeunes indigènes se multipliaient. Il en résultait de nombreuses naissances
d’enfants au sang mêlé. Tous ces gens considéraient désormais Alexandre comme
un dieu, du fait de son aspect éblouissant, de son invincibilité et de sa
capacité à balayer les obstacles naturels – en l’occurrence les plus hautes
montagnes et les plus grands fleuves du monde.
Mais Alexandre se rendait compte que
ce cortège finirait par causer la paralysie de l’armée, entravant ses
mouvements et l’empêchant de réagir aux attaques avec la rapidité nécessaire.
Il décida donc d’en renvoyer une partie avec Cratère sur la rive de l’Oxus,
pour fonder une nouvelle Alexandrie. Plusieurs centaines de personnes s’y
installèrent avec quatre cents soldats unis à des femmes de leur suite, et l’on
dota cette communauté des institutions des cités grecques, notamment d’une
assemblée élective et de magistrats. Le roi reprit ensuite la route vers le
nord, traversant un territoire partiellement aride avant d’atteindre les rives
d’un affluent de l’Oxus, que les indigènes appelaient « le Très
Honorable », et auquel les Grecs attribuèrent le même nom :
Polytimétos. Il y avait là une belle ville, Maracanda, que fréquentaient les
Sogdiens et les Scythes asiatiques. Ceux-ci venaient des immenses territoires
qui s’étendaient de l’autre côté du fleuve afin d’y vendre leurs
produits : peaux, bétail, pierres dures, poussière d’or, ainsi que des
esclaves capturés sur des terres lointaines. Des caravanes indiennes y
confluaient également après avoir franchi des cols montagneux.
Alexandre vira ensuite vers l’est,
il marcha vers la ville la plus éloignée que les Perses eussent jamais ralliée
dans cette direction. Cyrus le Grand l’avait lui-même fondée sur le fleuve
Iaxartes en lui donnant le nom de Kurushkhat, qui voulait dire Cyropolis. Quand
Alexandre y arriva, elle servait de forteresse aux amis des deux satrapes
rebelles, Spitaménès et Dataphernès. Après avoir livré Bessos à Ptolémée ils
avaient pris la tête des populations qui refusaient de se plier à l’autorité du
nouveau souverain.
La ville était protégée par un vieux
bastion de briques crues que les pluies et le vent avaient érodé, et surmontée
de tourelles en bois. Sept villes mineures l’entouraient. En moins d’un mois,
Alexandre les soumit l’une après l’autre et leur imposa une garnison
macédonienne.
Décidant ensuite de fêter sa
victoire, il invita ses compagnons et ses officiers supérieurs à un banquet.
Il les accueillit sur le seuil du
palais, les embrassa sur la joue et les invita à s’asseoir à l’intérieur, où le
service de symposion – cratère, coupes et puisettes – avait déjà été installé.
Alors qu’ils s’asseyaient, d’autres invités se présentèrent : Oxathrès et
les nobles de sa suite, vêtus de leurs somptueux costumes traditionnels. Le roi
avait voulu les avoir à sa table car ils s’étaient distingués dans les assauts
des villes rebelles.
Les Macédoniens les regardèrent
prendre place sans prononcer un mot avant de se lancer des coups d’œil interdits.
La voix d’Alexandre résonna alors dans ce silence embarrassant :
« Nous avons capturé Bessos, mes amis, et nous avons occupé les villes
rebelles grâce à la rapidité extraordinaire du détachement de Ptolémée, et avec
l’aide de nos amis perses. Je dois à présent vous annoncer une décision
importante : demain, je licencierai la cavalerie alliée des vétérans
thessaliens. Je ne garderai que les plus jeunes d’entre eux, ceux qui sont
arrivés avec les derniers renforts.
— Tu veux licencier les
Thessaliens ? demanda Cleitos avec stupéfaction. Mais les Thessaliens nous
ont sauvés de la défaite à Gaugamèle, l’aurais-tu oublié ? »
Le commandant des Thessaliens, que
le roi avait à l’évidence informé personnellement de la situation, se garda de
réagir.
« Je ne veux pas les renvoyer,
mais nombre d’entre eux sont fatigués, d’autres désirent rejoindre leurs
familles après toutes ces années de guerre, d’autres encore n’ont pas envie de
participer à une expédition contre les Scythes.
— Contre les Scythes ?
s’exclama Cratère. Nous allons affronter les Scythes ? Mais… personne n’a
jamais pu les battre : Cyrus y a perdu la vie, l’armée
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