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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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rumeurs qui circulaient au sujet des immenses richesses
dont l’armée s’était emparée, des philosophes, des devins, des rhéteurs, des
poètes et des acteurs avaient quitté la Grèce et l’Anatolie pour se présenter à
la cour. Alexandre les recevait et les invitait à ses banquets : de cette
façon, il lui semblait qu’un morceau de Grèce était transplanté dans ces régions
lointaines. De plus, il était heureux d’entendre des conversations
philosophiques ou des disputes rhétoriques. Mais tous ces gens ne poursuivaient
qu’une fin : se gagner les faveurs du souverain. Aussi l’adulaient-ils de
toutes les façons possibles, masquant souvent leurs intentions avec un art
subtil. Tout cela irritait les Macédoniens, habitués à entretenir des relations
de camaraderie, parfois bourrues, avec leur roi, si l’on exceptait le
traditionnel baiser sur la joue, exclusivement réservé aux intimes.
    Un jour, un homme apporta à
Alexandre un chargement de figues, d’amandes et de noix venues de Grèce.
Alexandre les trouva si bonnes qu’il voulut en céder une partie, en signe
d’affection, à Cleitos le Noir, à qui il s’était opposé, parfois violemment, au
sujet du cérémonial et de sa volonté d’introduire des Perses et des Asiatiques
non seulement à la cour mais aussi dans l’armée.
    Le Noir, qui avait un caractère
irascible et suffisant, était également très religieux. Il était en train
d’offrir quelques moutons en sacrifice aux dieux quand l’envoyé du roi lui
remit sa convocation. Il s’interrompit et se rendit aussitôt au palais, suivi à
son insu par deux moutons.
    Lorsqu’il pénétra dans la cour avec
cet étrange cortège, Alexandre éclata de rire. « Le Noir ! s’exclama-t-il.
Tu as donc embrassé le métier de berger ? » Mais il fut troublé en
apprenant que ces deux animaux étaient destinés à un sacrifice. Il donna les
fruits secs à Cleitos et se hâta de convoquer Aristandre après son départ. Le
devin s’assombrit et répondit : « C’est un mauvais signe. Cela porte
malheur. »
    Cette nuit-là, influencé peut-être
par les paroles du devin, Alexandre rêva de Cleitos : vêtu de noir de la
tête aux pieds, le général était assis auprès des trois fils de Parménion, qui
étaient tous morts. Il se réveilla en proie à une grande angoisse et n’osa pas
raconter ce rêve à Aristandre. Il préféra organiser une fête le soir même pour
chasser les sentiments qui l’habitaient. En dépit de leurs nombreux différends,
il était profondément attaché à Cleitos, dont la sœur l’avait allaité lorsqu’il
était enfant, ce qui, dans la tradition macédonienne, créait entre les familles
en question un lien très solide, de parenté ou presque.
    Ce soir-là, Perdiccas, qui avait été
nommé maître du symposion, déclara aussitôt qu’il y aurait deux cratères :
l’un pour les Macédoniens, rempli de vin pur ; l’autre d’une part de vin
et de quatre parts d’eau, pour les Grecs. Cette décision mécontenta Alexandre,
car elle écartait les invités perses.
    Parmi les Grecs se trouvait un
philosophe sophiste du nom d’Anaxarque, arrivé depuis peu, un homme prétentieux
et arrogant, mais très habile. Il était venu avec deux poètes, qui se jetèrent
sur le vin et sur la nourriture. La fête se déroulait au rythme des
plaisanteries, des réflexions spirituelles et des histoires vulgaires,
auxquelles participaient quelques « compagnes », tout aussi
audacieuses que les invités masculins. Le vin coulait à flots, et à mi-soirée
l’assistance était déjà passablement éméchée, en particulier les Macédoniens.
Le roi n’était pas en reste.
    C’est alors qu’un des amis du
philosophe, un certain Pranichos, s’écria : « J’ai composé un petit
poème épique ! Voudriez-vous l’entendre ?
    — Pourquoi pas ? »
répliqua Alexandre en ricanant.
    Encouragé par l’approbation du
souverain, le poète entreprit de déclamer son chef-d’œuvre, suscitant aussitôt
les rires de ses amis. Mais les Macédoniens avaient beau être ivres, ils n’en
saisirent pas moins le sujet de ces vers. N’en croyant pas leurs oreilles, ils
se turent brusquement. L’homme dévidait une satire stupide qui avait pour cible
les commandants de la garnison de Bactres, tombés dans l’embuscade de
Spitaménès, au cours de la campagne de printemps. Il se moquait en particulier
de leur âge avancé.
    Ils croassaient des chants de
guerre,

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