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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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les deux vieillards,
    Incapables désormais de redresser
leurs lances,
    Ils prétendaient charger,
flamberge au vent,
    Eux dont les têtes étaient
chauves à présent.
    Le Noir bondit et lui jeta sa coupe
de vin au visage en hurlant : « Tais-toi, sale Grec, tas de
merde ! »
    Alexandre, à demi nu entre deux
« compagnes », n’avait pas écouté attentivement le poème de
Pranichos, mais il avait vu le geste de Cleitos. Prenant la défense de son
invité grec, il s’exclama aussitôt : « Comment te permets-tu d’agir
de la sorte ! Demande-lui pardon et laisse-le continuer. Moi, j’aime la
poésie. »
    À ces mots, Cleitos, déjà enflammé
par l’alcool, sortit de ses gonds : « Petit prétentieux, sale gamin
arrogant ! Comment peux-tu laisser cette merde de Grec vomir sur deux
courageux officiers qui ont sacrifié leur vie sur le champ de bataille ?
    — Qu’est-ce que tu as
dit ? », cria Alexandre, ulcéré par cette insulte sanglante.
    « J’ai dit ce que j’ai
dit ! Mais pour qui te prends-tu ? Tu crois vraiment être le fils de
Zeus Ammon ? Tu crois vraiment les balivernes que ton exaltée de mère
répand sur ta prétendue naissance divine, et les autres idioties de ce
genre ? Mais regarde-toi un peu ! Regarde ton accoutrement de femme,
ces broderies et ces dentelles ! »
    Blême de rage, Alexandre se leva et
intima à son ordonnance : « Appelle les « écuyers » !
Immédiatement ! »
    Les rois macédoniens avaient pour
habitude de recourir aux « écuyers » quand leur personne était
menacée. L’irruption de ces soldats entraînant la mort immédiate du coupable,
l’ordonnance lança au roi un regard interdit, sans oser exécuter son ordre.
Alexandre lui assena un coup de poing sur le visage qui le précipita au sol,
puis il cria de toutes ses forces : « Ecuyers », à moi !
    — Vas-y, hurla Cleitos. Appelle
tes écuyers ! Allez ! Je vais te dire la vérité ! Sans nous, tu
n’existes pas ! C’est nous qui avons vaincu, nous qui nous sommes battus,
nous qui avons conquis ton empire ! Tu ne vaux même pas le petit doigt de
ton père Philippe ! »
    Épouvanté par le pli que prenait
cette dispute, Ptolémée attrapa Cleitos par les épaules et tenta de
l’entraîner. « Arrête, le Noir, tu es soûl, n’insulte pas le roi !
Viens, on s’en va ! »
    Avec l’aide de Perdiccas, il
l’emmena vers la porte. C’est alors que Cleitos libéra une de ses mains, et
qu’il se mit à crier en l’agitant : « Hé, fils de Zeus ! Tu vois
cette main ? Tu la vois ? C’est elle qui t’a sauvé au Granique,
l’aurais-tu oublié ? » Puis il bouscula les deux compagnons et revint
sur ses pas en criant et en insultant toujours plus le roi.
    Alexandre s’empara d’une pomme,
qu’il lui jeta au visage pour le faire reculer, mais Cleitos l’évita et
continua d’avancer en le raillant. Aveuglé par la colère, outragé par la
désobéissance de son ordonnance, ridiculisé devant ses invités, le roi perdit
la tête : il saisit la sarisse d’un des pézétairoï qui se tenaient
derrière lui et la lança contre Cleitos, certain que le général l’esquiverait
et qu’il s’en tirerait par une belle peur… Un instant s’écoula, un instant
interminable au cours duquel Alexandre regretta son geste tout en se disant
qu’en aucun cas l’arme n’atteindrait sa cible. Mais au cours du même instant,
le Noir fut immobilisé par Ptolémée, bien décidé à le sauver de la colère du
roi. Et la sarisse le traversa de part en part.
    « Non ! Le Noir,
non ! Non ! », s’écria Alexandre. Il se précipita vers le
général, qui vomissait déjà du sang sur le sol. Aussi rapide que l’éclair, il
extirpa la lance du corps de Cleitos, l’appuya sur le mur et prit son élan pour
mourir de la même mort. Séleucos et Ptolémée l’arrêtèrent à temps. Alors il
s’exclama en pleurant et en se débattant : « Lâchez-moi !
Lâchez-moi ! Je ne mérite pas de vivre ! »
    Léonnatos vint prêter main forte à
ses amis, mais Alexandre s’était déjà à moitié dégagé, il s’emparait de son
épée et tentait de se tuer. Ses compagnons durent le désarmer et l’emmener de
force.
    Eumène n’avait pu réagir : il
était assis de l’autre côté de la salle en compagnie de Callisthène. Il fixait
à présent le corps de Cleitos tandis qu’un silence irréel envahissait les lieux
où des cris de gaieté et d’ivresse

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