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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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une véritable Macédonienne, à la différence d’Olympias. Il se serait
ensuite conclu par l’élimination de Pausanias, seul témoin du complot. Mais
aucun élément n’étayait cette hypothèse : Attale n’avait pas tenté de
s’emparer du pouvoir après la mort du roi, il n’avait pas marché sur Pella avec
l’armée dont il était le chef, en Asie. Par peur de Parménion ? Ou
d’Alexandre ?
    Dans tous les cas, comment expliquer
les paroles de la fiancée de Pausanias ? Cette jeune fille bien informée
semblait croire que son bien-aimé avait été violé au cours d’une orgie par les
gardes-chasse d’Attale, ce qui était absurde dans le cas où le garde du corps
eût été son exécutant. Aristote avait essayé de retrouver la jeune fille, mais
on lui avait dit qu’elle avait disparu depuis longtemps, qu’on avait perdu
toute trace d’elle.
    Il ne restait plus qu’une piste,
celle qui conduisait au sanctuaire de Delphes, le sanctuaire qui avait émis un
verdict ambigu mais véridique au sujet de la mort imminente de Philippe. Non
loin de là vivait l’homme qui avait tué Pausanias, le seul témoin qui pouvait
le conduire au mandant du crime.
    Le philosophe se retourna : les
derniers rayons du soleil couchant, entre deux promontoires, teintaient de
reflets violets les eaux miroitantes du golfe, et le grand temple dorique
d’Apollon, qui se dressait sur sa gauche, était déjà éclairé par la lueur des
trépieds et des lanternes. Un chant très suave s’élevait dans le silence
limpide du soir.
    Dieu à l’arc d’argent, Phébus
resplendissant, toi qui donnes la lumière aux terres d’Élysée et aux Iles
Bienheureuses, perdues dans l’Océan, reviens, reviens, ô divin ! Demain,
ramène-nous l’aurore ton lumineux sourire, après la sombre nuit, mère des cauchemars,
fille de Chaos…
    Il était arrivé. Il attacha sa
monture à un anneau, près de la fontaine, et s’engagea sur la voie sacrée,
parmi les temples votifs des Athéniens, des Siphniens, des Thébains, et des
Spartiates. Tous regorgeaient de trophées témoignant des victoires sur un sang
fraternel – des Grecs qui avaient tué des Grecs. En les regardant, Aristote eut
l’impression d’entendre ce qu’Alexandre lui aurait dit s’il avait pu parler à
ce moment-là.
    Les derniers pèlerins quittaient le
sanctuaire, dont le gardien s’apprêtait à fermer les portes. Le philosophe le
pria d’attendre.
    « Je viens de très loin, et je
dois repartir demain avant l’aube, lui dit-il. Je t’en supplie, accorde-moi un
instant, laisse-moi adresser une prière au dieu, une requête pressante, car je
suis la victime d’un terrible sortilège, d’une malédiction qui me
poursuit. » Et il lui tendit une pièce de monnaie.
    Le gardien la déposa dans sa bourse
en disant : « Bon, mais fais vite. » Et il entreprit de balayer
les marches de l’estrade.
    Aristote pénétra dans le sanctuaire.
Il fut aussitôt englouti par la pénombre de la nef latérale, qu’il parcourut à
petits pas en examinant les mille objets votifs qui étaient accrochés au mur.
Il était guidé par une intuition, par l’ombre d’un souvenir qui remontait à son
enfance, quand il avait visité ce temple en tenant la main de son père,
Nicomaque. Un objet votif avait alors attiré son regard. C’était ce souvenir,
conjugué à ses soupçons, qui l’avait conduit entre ces murs sacrés.
    Il atteignit le fond de la nef et
passa de l’autre côté, sous le regard de nacre du dieu, assis sur son trône. Il
continua son inspection en descendant l’autre nef. Mais il ne parvenait pas à
distinguer ce qui eût confirmé ses souvenirs fanés. Le sanctuaire était trop
sombre. Il s’empara donc d’une lanterne, fixée à une colonne, et l’approcha du
mur. Bientôt, une expression de victoire se peignit sur son visage : il ne
s’était pas trompé ! Devant lui s’étalait l’empreinte d’un objet qui avait
occupé cette place pendant de nombreuses années.
    Après s’être assuré que personne
n’épiait ses mouvements, il tira de sa besace la dague celtique qui avait tué
le roi Philippe à Aigai. En la posant sur l’empreinte, il s’aperçut qu’elle y
correspondait parfaitement.
    Il y avait encore deux clous à l’endroit
où s’était jadis trouvé le manche de la dague à antennes de papillon, et
Aristote put la remettre à sa place.
    « Alors, tu en as terminé, avec
tes prières ? s’écria le gardien qui

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