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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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fit savoir qu’il ne voulait pas
connaître le nom du débiteur, mais le montant de la dette. Les hommes
rassemblèrent donc leur courage et présentèrent à Eumène les demandes et les
documents qui attestaient du prêt. Celui-ci leur remit alors la somme
nécessaire au remboursement.
    Le secrétaire général calcula
ensuite que la somme totale de ces dettes se montait à dix mille talents.
    Vers la fin du printemps, le roi
organisa des manœuvres à Opis, le long du Tigre, où l’avait rejoint un nouveau
contingent de trente mille Perses qui avaient reçu une instruction militaire à
la macédonienne. Il y eut une grande parade, au cours de laquelle ces jeunes
guerriers asiatiques, surnommés les Successeurs, démontrèrent leur valeur
exceptionnelle et leur grande habileté. Craignant d’être ravalés au rang de
ceux qu’ils avaient vaincus sur le champ de bataille puis soumis, les soldats
macédoniens en furent une nouvelle fois irrités. Leur déception augmenta encore
quand ils apprirent qu’Alexandre entendait licencier blessés, invalides et
mutilés, et confier le soin de les ramener chez eux à Cratère, qui devait
remplacer le vieil Antipatros en qualité de régent de Macédoine.
    « Ils sont furieux, lui
rapporta Cratère. Ils demandent que tu reçoives leur délégation. »
    Les manœuvres avaient pris fin, et
les jeunes Successeurs avaient réintégré leurs tentes. Alexandre ordonna qu’on
place son trône à l’extérieur du pavillon royal, et dit à son ami :
    « Envoie-les-moi. » Mais
il était, à l’évidence, fort contrarié et de très méchante humeur.
    Cratère se dirigea vers le campement
macédonien, qui était très rigoureusement séparé du cantonnement perse. On vit
apparaître un peu plus tard un détachement de soldats représentant les divers
corps d’armes qui composaient l’armée : cavalerie, infanterie lourde,
attaquants, « écuyers », archers à cheval.
    « Que voulez-vous ?
demanda Alexandre sur un ton glacial.
    — Est-il vrai que tu renvoies
chez eux les vétérans, les invalides et les mutilés ?, l’interrogea un
chef de compagnie des pézétairoï, le plus âgé du groupe.
    — Oui, répondit le roi.
    — Cela te semble-t-il une belle
action ?
    — C’est une action nécessaire.
Nous allons entreprendre d’autres expéditions, et ils ne sont plus en mesure de
se battre.
    — Mais quel genre d’homme
es-tu ! s’écria un autre. Maintenant que tu disposes de ces petits
barbares aux vêtements de femme, qui font leurs petits exercices et leurs
pirouettes, tu n’as plus besoin de tes soldats, de ceux qui ont conquis pour
toi la moitié du monde avec leur sueur et leur sang.
    — C’est vrai ! s’exclama
un troisième. Tu les renvoies maintenant. Mais dans quel état ? Dans
l’état où leurs familles te les ont confiés, il y a dix ans ? Non !
Ils étaient alors jeunes, forts, parfaits ! Et ils sont maintenant las,
épuisés, blessés, mutilés, invalides. Quel genre de vie les attend ? Et
ceux qui ne reviendront pas ? Ceux qui ont été vaincus par le froid, sont
tombés dans les embuscades, se sont écrasés sur les pics montagneux, ou noyés
dans les eaux menaçantes de l’Indus, ceux qui ont été dévorés par les
crocodiles, mordus par les serpents, tués par la soif et la faim dans le
désert ? Penses-tu à ces hommes-là ? À leurs veuves et à leurs
orphelins ? Non, sire, tu ne penses pas à eux, sinon tu n’aurais jamais
conçu une action de ce genre. Nous t’avons toujours écouté, nous t’avons
toujours obéi, mais à présent écoute-nous ! Nous, tes soldats, nous nous
sommes réunis en assemblée et nous avons pris une décision. Tout le monde ou
personne !
    — Que veux-tu dire ?
demanda Alexandre, dont le visage s’assombrissait de plus en plus.
    — Je veux dire que si tu
renvoies chez eux les vétérans invalides, tu devras nous renvoyer aussi,
répondit le chef de compagnie. Oui, rentrons chez nous. Garde donc tes barbares
avec leurs jolies cuirasses en lames d’or, et voyons s’ils seront capables de
faire autant que nous, s’ils sauront suer sang et eau pour toi, comme nous l’avons
fait. Adieu, sire. »
    Les représentants des corps d’armes
inclinèrent légèrement la tête avant de tourner le dos à Alexandre et de
regagner le campement au pas cadencé.
    Le roi bondit, blême de rage, et
lança aux cavaliers de sa garde personnelle : « Est-ce donc ce que
vous pensez, vous

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