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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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Le Pondichérien, dont le bateau était arrivé de Madras le matin même, était en avance. Mais entre associés, peu importait l’heure… pas plus qu’on ne prenait de gants pour se dire les choses en face, lorsque les marges et les profits de la société dont on partageait le capital étaient en cause.
    D’ailleurs, à peine le Franco-Indien était-il entré dans le bureau du Français que celui-ci, sans même lui demander s’il avait fait bon voyage, l’apostropha :
    —  À l’avenir, il faudra exiger de notre fournisseur qu’il fasse plus attention au pesage des caisses !
    Le Franco-Indien blêmit. Il n’aimait guère faire l’objet de remontrances de la part de ses partenaires.
    —  Le compte n’y est donc pas   ?
    —  Pas vraiment. La semaine dernière, figure-toi que j’ai fait peser dix caisses au hasard… Dans chacune, il manquait entre un et trois kilos d’opium… Soit de quatre à douze pour cent de marchandise ! C’est énorme ! lui lança, d’un ton sec, le Français.
    Il faut dire qu’il avait de quoi être furieux. Depuis trois semaines qu’il était plongé dans ses comptes, il avait pu juger de la médiocrité de ses marges commerciales dont cette évaporation d’opium était à coup sûr la raison.
    —  Ce n’est pourtant pas faute d’avoir mis Abdullah en garde ! lui répondit du tac au tac le Pondichérien.
    Abdullah Rainsy était leur fournisseur d’opium. Indien de pure souche, il opérait depuis Pondichéry où Jarmil se rendait tous les trimestres pour prendre livraison de la marchandise et la convoyer, via le port de Madras, jusqu’à la petite colonie britannique.
    —  Ou alors, ce sont les équipages qui font leur marché au passage !
    —  Difficile… Les caisses sont toutes cachetées à la cire !
    —  Les cachets sont-ils au moins vérifiés   ?
    —  Systématiquement !
    Comme d’habitude, Jarmil avait réponse à tout et cela faisait bouillir Antoine, qui supportait de plus en plus mal son comportement.
    —  Que faire, alors   ?
    —  Je n’en sais trop rien ! lâcha, buté, son interlocuteur, ce qui eut pour effet d’irriter un peu plus le Français.
    —  Lors de ton prochain passage, tu diras à ton Abdullah que si la prochaine cargaison n’est pas conforme, nous changerons de fournisseur.
    —  Abdullah est le moins cher des grossistes de Pondichéry… Vuibert en tapa du poing sur la table.
    —  Je m’en fous complètement ! On en trouvera d’autres, trop heureux de vendre leur marchandise à un client qui paie « cash » le jour de son enlèvement…
    Chaque fois qu’il détectait ce qu’il appelait de la « gratte », ces petits ruisseaux de malhonnêtetés qui faisaient les grandes rivières des détournements d’argent, le Français s’emportait comme un beau diable. Et Dieu sait si les occasions étaient nombreuses, à cet égard, depuis quelques mois.
    Car rien n’allait plus, au sein de V.S.J. & Co, la compagnie que Vuibert, Stocklett et Jarmil avaient enregistrée au registre du commerce de Singapour.
    Tantôt, c’était le poids des caisses qui ne correspondait pas à leur valeur affichée, tantôt, c’étaient les « prélèvements » – un terme pudique !  – opérés par les douaniers de Madras et de Singapour, ou encore les deux ou trois caisses qui, tout aussi « malencontreusement », tombaient à l’eau pendant qu’on chargeait les navires, sans oublier, en bout de chaîne, les calculs des compradores de Canton et de Shanghai qui, comme par hasard, tournaient toujours à leur avantage… Commercer en Asie n’était pas une sinécure. Et encore moins lorsqu’on avait décidé d’affronter la concurrence anglaise sur son propre terrain en important de l’opium en Chine, puisque c’était l’activité principale de la firme fondée par les trois hommes.
    —  Tu parles de ce que tu ne connais pas ! jeta Jarmil.
    —  Dans n’importe quel marché, c’est le client qui est roi !
    —  Celui qui se tape la traversée jusqu’à Madras aller-retour par tous les temps, c’est moi ! Si le client ne trouve pas de marchandise, comment fait-il   ?
    Nash Stocklett, qui, contrairement à Antoine, était incapable de se passer de sieste lorsque la chaleur devenait par trop accablante, entra à son tour dans le bureau. Quoique supportant mal le climat tropical, ainsi qu’en témoignaient ses tempes grisonnantes et ses traits creusés, l’Anglais gardait bon pied bon œil. De

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