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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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Deux Fois Plus de Chance a toujours fini par honorer ses engagements ! souffla Stocklett, la mine de plus en plus défaite.
    —  Tu n’as pas l’air dans ton assiette !
    —  Je pense à toutes ces années perdues… gémit l’Anglais, décomposé, que l’image des enfants Clearstone abandonnés à leur triste sort continuait à hanter comme au premier jour, lorsque Sam Goodridge lui avait appris la mort de Barbara.
    —  Il est l’heure de dîner et nos additions sont finies… Allons chez Meads, ça nous changera les idées ! lui proposa gentiment Antoine.
    Le restaurant de Meads était l’unique endroit de l’île où l’on servait un roast-beef la menthe acceptable pour un Anglais. Comme il était situé à l’autre extrémité de la ville, ils hélèrent un pousse-pousse. Aussitôt, dans un bruit de casseroles tombant d’une étagère, déboulèrent une dizaine de carrioles. Les hommes au torse maigre et noueux qui les traînaient étaient prêts à en venir aux mains pour se présenter en premier devant le client. Pour éviter une émeute, ils choisirent eux-mêmes l’heureux élu qui se mit instantanément à trottiner en ahanant jusqu’à l’adresse indiquée. Sous l’effet des pluies diluviennes qui s’étaient abattues sur l’île depuis trois semaines, la luxuriance végétale de Singapour semblait plus dense encore que d’habitude, renforcée par la découpe des troncs et des lianes luisants et noirs qui semblaient sculptés dans le métal tant leur port était assuré, à la manière des nervures plombées d’un gigantesque vitrail.
    Sans jeter un regard sur la beauté environnante, les deux amis arrivèrent un quart d’heure plus tard chez Meads, un Gallois au ventre proéminent et aux impressionnantes moustaches, qui les installa à l’une de ses meilleures tables, sur la terrasse ombragée du restaurant.
    —  Comment procédons-nous, vis-à-vis de Jarmil   ? demanda le Français en attendant la bouteille de pur malt qu’ils avaient commandée.
    —  On lui laissera sa part dans le coffre, avec une lettre d’explication. Il la trouvera à son retour ! répondit Nash, visage fermé.
    —  Ce jour-là, il nous maudira, mais il l’aura bien mérité !
    Ils furent interrompus par le maître d’hôtel, un petit homme au crâne déplumé dont la jaquette noire, lustrée comme du cuir à force de n’être jamais lavée et constellée de taches de graisse, ressemblait à une véritable carte du ciel. L’intéressé ayant la réputation d’être un agent à la solde du gouverneur, payé pour écouter les conversations des clients, les deux convives stoppèrent net leur conversation.
    —  Messieurs, je vous conseille notre rôti de bœuf sauce menthe et pommes de terre soufflées ! À défaut, j’ai aussi d’excellents pagres dont le chef fait sauter les filets à la poêle avec des champignons noirs ! leur déclara la carte stellaire ambulante.
    Ils optèrent tous les deux pour la viande.
    —  Où en étais-je   ? fit Nash.
    —  A Jarmil ! Nous aurons vraiment été fair-play jusqu’au bout avec cet escroc ! Quand je pense que nous lui versons sa part d’une affaire qu’il aura pillée par ailleurs… tonna le Français tandis que l’Anglais ne pipait mot.
    —  Tu ne dis rien   ? Ne serais-tu pas d’accord avec le point de vue que je viens d’exprimer   ? reprit Antoine, surpris par le mutisme de son ami.
    —  J’imagine que tu es toujours sur ton projet de créer une affaire en Chine   ? lui demanda alors celui-ci, visiblement désireux de changer de sujet.
    —  Plus que jamais… D’après ce qui se dit, la concession française de Shanghai est aux trois quarts vide. Je suis sûr que le consul de France se fera un plaisir de nous faciliter les choses si nous souhaitons nous y implanter… Au fait, si tu veux en être, ce sera avec le plus grand plaisir que je m’associerai avec toi !
    —  Pour ne rien te cacher, je me demande s’il est bien raisonnable de continuer à attendre en Chine quelque chose qui risque de ne jamais venir, soupira Stocklett, la mort dans l’âme.
    —  Tu ne vas pas me dire que tu comptes repartir à Londres ! s’exclama Antoine.
    Pendant qu’un lourd silence prenait place entre les deux convives, Nash attaqua sans conviction sa tranche de roast-beef. Sa vie lui paraissait vide de sens. De ces cinq années passées à Singapour à essayer de maintenir à flot une compagnie au bord de la faillite, que lui

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