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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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restait-il à présent, si ce n’était le goût amer de la déception   ? Tout le temps qu’il avait passé à essayer de redresser V.S.J. & Co l’avait empêché de se consacrer à sa tâche initiale qui était de ramener à Londres les petits Clearstone ! Si cela ne s’appelait pas faire fausse route, il n’était pas l’ancien chef comptable de Jardine & Matheson…
    —  Je ne vais tout de même pas finir mes jours en Chine, alors que les années passent et qu’à mon âge elles comptent double, surtout avec ce climat… fit-il, lugubre.
    —  Ne dis pas ça ! J’en connais plus d’un qui aimerait avoir ta forme, Nash ! plaisanta Antoine Vuibert.
    Stocklett, plus abattu que jamais, regarda son compagnon. Au moins Antoine avait-il bonne mine et, à en juger par ses projets, envisageait-il l’avenir avec optimisme… C’était déjà ça. Il n’eût plus manqué que, par sa faute, son ami tombât aussi bas que lui !
    L’Anglais essaya de répondre au grand sourire que lui avait décoché le Français mais il n’en avait plus la force. La tunique de sa culpabilité pesait, telle une cotte de mailles médiévale, sur ses vieilles épaules… Il se sentait à bout, vanné, prématurément usé comme une outre trop longtemps exposée au soleil et aux intempéries…
    —  Tu n’as pas l’air dans ton assiette ! Qu’est-ce qui ne va pas   ? insista Antoine, qui connaissait son Nash comme sa poche. Tu me caches quelque chose, Nash ! Dis-moi ce que c’est !
    —  Rien… tu te fais des idées… protesta l’ancien comptable dans un murmure qui ressemblait étrangement à un sanglot, avant d’avaler un dernier morceau de roast-beef tout en se gardant bien de croiser le regard de son ami.
    Nash avait trop peur que ce dernier y perçût son trouble.
    Car pour rien au monde il n’eût avoué à Antoine l’ultime forfaiture à laquelle il s’était livré.

 
    58
     
    Anhui, 28 août - 2 septembre 1853
     
    —  Monsieur Bowles   ? s’enquit Mesure de l’Incomparable, étendu dans la paille à côté du journaliste anglais et qui regardait fixement le plafond fait de poutres mal ajustées d’où s’envolaient en escadrilles les chauves-souris.
    John, aussitôt, répondit :
    —  Oui ! Qu’y a-t-il   ?
    —  Vous ne dormez pas   ?
    —  Pas encore ! Il fait si chaud… et puis, je n’arrive pas à m’habituer à tous ces bruits…
    Il faisait évidemment allusion aux ronflements des soldats endormis alentour, aux crachotements, aux reniflements et aux raclements des gorges irritées par les milliards de particules dégagées par la paille de riz et le fourrage séchés qui s’entassaient dans la grange.
    —  Moi, c’est pareil, monsieur Bowles… confia le militaire.
    Ce n’était pas le fait du hasard si l’amant de Jasmin Éthéré, promu au grade de colonel dans l’armée des Taiping, était allongé à côté du reporter anglais dans ce grenier avec une trentaine de soldats de l’armée des gueux, mais bien parce qu’il y avait été envoyé en service commandé : le général Lin Fengxian, ancien chef de la garde personnelle du Tianwan promu par le Prince de l’Orient commandant en chef de l’offensive de l’ouest, lui avait confié la mission de cornaquer le journaliste.
    Contrairement à ce qu’il avait imaginé au départ, la tâche ne s’annonçait pas de tout repos. Face à un ennemi qui rêvait d’en découdre après la cuisante défaite de Nankin, les conditions de l’offensive des Taiping laissaient à désirer, ce qui rendait l’armée des gueux fort vulnérable. En fait, le général Lin avait hérité là d’un cadeau empoisonné. Car s’il avait sous ses ordres une armée de vingt et un bataillons de quatre mille hommes chacun, l’équipement de ses soldats était réduit à sa plus simple expression… Dépourvu de cavalerie et d’artillerie, privé d’armes lourdes et de moyens de transport ainsi que de ravitaillement, ce dispositif de combat était totalement inadapté à la conquête de l’Anhui, une vaste province au terrain accidenté où les troupes mandchoues disposaient de nombreuses places fortes à flanc de montagne.
    Suite à l’intervention du Tianwan en personne, qui comptait bien se mettre Bowles dans la poche, Mesure de l’Incomparable avait été déchargé du commandement de son régiment par le général Lin afin de pouvoir se consacrer au journaliste anglais, auquel il servait à la fois de guide et de garde du

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