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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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par une cantinière hommasse aux soldats qui devaient partir combattre le jour même. Dehors, sur fond d’explosions, d’épais nuages de fumée empêchaient de voir à plus de quelques mètres. John, qui était sujet à des crises d’asthme, plaça aussitôt un foulard sur sa bouche. Sous une chaleur accablante, les soldats s’étaient déjà mis en rangs par quatre. Certains ajustaient leurs bandes molletières, d’autres se passaient sur le visage une mixture destinée à chasser les moustiques dont la région était infestée. Ils portaient tous des vêtements civils maculés de sang dont les déchirures dévoilaient ici les épaules, là les mollets ou encore les genoux. Bowles, qui était frappé par la maigreur cadavérique de ces hommes dont certains n’avaient pas quinze ans, faillit sortir son carnet à croquis mais il se ravisa. S’il commençait à dessiner tout de suite cette horde en hardes, il retarderait son départ vers le front, ce qu’il ne voulait à aucun prix, tout à sa hâte de se trouver là où ça chauffait.
    Cela faisait des semaines qu’il rêvait de dessiner les corps à corps acharnés auxquels se livraient les impériaux et les Taiping, que bon nombre de ses compatriotes présents en Chine accusaient d’aller jusqu’à boire le sang de leurs victimes afin d’y puiser l’énergie vitale nécessaire à leurs prochains combats.
    Mesure de l’Incomparable vint vers lui et désigna les colonnes de fumée qui montaient vers le ciel, par-dessus l’épaisseur poussiéreuse des roseaux.
    —  Les combats font rage, monsieur Bowles ! Il faut faire attention aux projectiles… surtout aux flèches enflammées !
    John, de plus en plus excité par l’odeur de la poudre, trépignait intérieurement.
    —  Je l’ai bien compris ! Quand penses-tu pouvoir m’emmener sur le front   ?
    —  La situation est très dangereuse.
    —  J’en ai vu d’autres ! s’écria John, fébrile.
    —  Le général Lin a bien insisté pour que je vous ramène entier à Nankin, monsieur Bowles ! Le mieux serait que nous attendions un ou deux jours ici, le temps que les ennemis abandonnent leur ligne de front. D’autres renforts sont prévus, qui devraient arriver dans la journée et nous permettre de repousser d’ici les impériaux.
    —  Comment pourrai-je entreprendre un reportage sur la façon dont les Taiping font la guerre si je me contente de faire un petit tour à Zhongyong et de regarder monter au ciel la fumée des combats ! Si tu ne veux pas m’accompagner, j’irai tout seul ! s’exclama le dessinateur journaliste en roulant de gros yeux.
    —  Si telle est votre décision, nous partons tout de suite.,., lui répondit, penaud, le Chinois qui avait cru bien faire mais avait des directives pour ne rien refuser à son interlocuteur.
    Ils s’engagèrent sur une petite route où des fantassins cheminaient déjà en chantant des psaumes, sous la conduite de sous-officiers qui brandissaient de longs fouets destinés à stimuler les éventuels retardataires. À bout d’une demi-heure de marche et alors que les explosions étaient de plus en plus rapprochées, un sergent ordonna aux soldats de se mettre en position de charger. Les Taiping faisant monter au front ceux qui, en raison de leur inexpérience, allaient au sacrifice sans le savoir, les plus jeunes avaient été sommés de se placer en première ligne et continuaient à chanter à tue-tête, à mille lieues de se douter de ce qui les attendait.
    À présent, des tirs nourris fusaient de toute part, tandis que dans l’air humide et chaud flottait une forte odeur de poudre. A quelques encablures des deux hommes champignonnait une épaisse colonne de fumée. Sur les collines environnantes, la plupart des toits de paille de riz des maisonnettes étaient en flammes. De la zone des combats, des cris fusaient, de peur et de douleur. Du coup, la colonne des petits soldats ne progressait plus que par intermittence, comme si la proximité des combats, d’un seul coup, avait tari l’enthousiasme de ces gamins qui, ce matin encore, chantaient joyeusement en ajustant leurs bandes molletières.
    Bowles, qui n’écoutait que sa curiosité, s’impatientait.
    —  Il faut avancer plus vite !
    —  Monsieur Bowles, faites-moi confiance. Nous allons dans la bonne direction…
    Ils furent interrompus par un lieutenant qui se ruait sur un pauvre gosse en sanglots, accroupi dans la boue, incapable d’avancer tellement la peur lui

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