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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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coupait les jambes.
    —  C’est la troisième fois que tu nous fais ce coup ! hurla l’officier au gamin, avant d’abattre d’un coup sec son sabre sur sa nuque.
    Puis le Taiping s’empara de la tête coupée du petit supplicié qui venait de rouler sur le sol, avant de glapir à la cantonade :
    —  Les autres, tenez-vous-le pour dit !
    Bowles, malgré l’envie de capter la scène, de rendre d’un seul trait le mouvement parfait de cette lame au moment où elle avait tranché les cervicales du jeune soldat, ne put s’empêcher de détourner le regard. Cahin-caha sous un déluge descendu du ciel, la cohorte se remit en mouvement vers une zone où, à en juger par les bruits de lames qui s’entrechoquaient, les cris gutturaux des assaillants et les gémissements des blessés, devaient se dérouler d’intenses corps à corps. Mesure de l’Incomparable, persuadé que le journaliste y réfléchirait à deux fois avant de faire un pas de plus, reprit :
    —  La ligne de front est juste derrière ! Quand il est si près du tigre, le chasseur ne va pas au-devant de l’animal. Il attend dans un fourré qu’il passe à sa portée !
    —  Comment voulez-vous que je décrive à mes lecteurs les combats de l’armée des gueux si je ne les vois pas   ? répéta, excédé, Bowles, auquel l’odeur de la poudre semblait donner des ailes.
    Ils remontèrent tant bien que mal l’étroit chemin où stationnait un détachement de soldats dont la tête était constituée d’enfants encore plus jeunes. La moitié était en larmes et tremblait comme des feuilles. C’est alors qu’un lieutenant leur barra sèchement le passage.
    —  Tu dois nous laisser passer ! lui ordonna Mesure de l’Incomparable.
    —  Personne ne doit monter au front tant que le capitaine Huang n’a pas levé la bannière noire… lui rétorqua l’officier en désignant son supérieur, posté sur un mamelon d’où il pouvait surveiller le champ de bataille.
    Le guide de Bowles exhiba sous son nez la médaille distinctive qui pendait à son cou.
    —  Idiot ! Ne vois-tu pas que je suis colonel !
    Le lieutenant s’effaça après s’être cassé en deux.
    —  À vos ordres, mon colonel ! Veuillez passer !
    Ils franchirent un petit pont qui enjambait un ruisseau aux eaux rougeoyantes de sang et dont les berges étaient jonchées de cadavres pourrissants. Bowles extirpa à toute allure son carnet à croquis de sa sacoche mais ne put s’arrêter pour croquer cet amoncellement de chairs putrides au-dessus desquelles tournoyaient en vrombissant de grosses mouches bleues.
    —  Je ne vous conseillerai pas de rester sur ce pont trop longtemps… Les Mandchous prennent pour cible tous ceux qui mettent le pied dessus ! lui souffla l’amant de Jasmin Éthéré au moment où une lance enflammée se fichait dans le sol, à quelques mètres d’eux.
    Sous un ciel parsemé d’éclairs, ils avancèrent de quelques mètres en se frayant un passage dans des roseaux coupants comme des lames de rasoir. Un peu plus loin, au milieu d’une rizière dévastée, de tout jeunes soldats aux cheveux longs et raidis par la boue se battaient au corps à corps, l’eau à mi-cuisses, contre les impériaux. Ceux-ci, tels de gros insectes en train de dévorer leurs proies chétives, portaient des vestes matelassées d’écailles articulées. Seuls trois petits Taiping avaient miraculeusement réussi à faire tomber à terre un fantassin adverse et s’acharnaient sur son crâne à coups de pierre. Quant aux autres, en fort mauvaise posture, ils se débattaient avec l’énergie du désespoir face à la main qui s’apprêtait à leur trancher la gorge avec un gros coutelas. Brûlant de saisir le poignant spectacle de ces enfants envoyés à l’abattoir qui s’opposaient tant bien que mal à des adversaires deux fois plus grands qu’eux, le journaliste confia à son guide :
    —  Ce serait parfait si je pouvais gagner le promontoire du capitaine à la bannière. De là-haut, la vue doit être imprenable sur tout le champ de bataille !
    —  Ce promontoire est très exposé, monsieur Bowles, à votre place, je n’irais pas. Les impériaux en font leur cible…
    —  Par où faut-il passer, si je veux éviter de m’enliser dans les marécages   ? s’écria John qui n’écoutait plus que son instinct de journaliste désireux de raconter au monde entier le terrible sort de ces enfants soldats.
    —  Suivez-moi ! fit le Chinois, la mort dans

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