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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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camphrier, dont vous pouvez sentir la délicieuse odeur, ainsi que le musc du bouquetin du Tibet. Dans cette armoire sont enfermées les drogues qui « calment l’esprit » : le cinabre, la magnétite, l’os de fossile, l’écaille d’huître, le jujubier, ainsi que l’ergot de seigle.
    —  Et ça   ? hurla soudain le lazariste, qui venait de tomber sur une coupelle pleine de scorpions séchés.
    —  Le scorpion doit se croquer entier. Il est le meilleur remède contre les douleurs de « vent humide » consécutives à une trop forte ascension du Yang provenant du foie…
    —  Je vois… fit Alexandre, accablé, qui ne comprenait goutte aux propos de son hôte et en était à se demander si le projet de convertir au catholicisme des gens à l’esprit si éloigné du sien ne relevait pas de l’utopie pure et simple.
    Pendant que son père était parti faire visiter son entrepôt de plantes médicinales, Pivoine Maculée de Rose avait rejoint La Pierre de Lune. Il était revenu sur le chantier où les ouvriers achevaient de jointoyer les briques de la façade.
    Avec des airs mystérieux, après avoir contourné une file de pauvres gens aux jambes couvertes de chancres, de suintements et d’ulcères qui attendaient patiemment leur tour, elle l’entraîna derrière une palissade et vint se placer tout contre lui avant de lui agripper brusquement le bras.
    —  Je ne veux pas que tu partes d’ici… souffla-t-elle, frémissante.
    Elle devait avoir saisi des lambeaux de la conversation entre le lazariste et La Pierre de Lune.
    —  Dès que les murs du dispensaire de ce prêtre seront montés, je reviendrai… promis juré !
    La jeune fille lui souffla d’une voix gémissante :
    —  J’en veux à mon père !
    —  Pourquoi   ? Il ne faut pas…
    —  Ne vois-tu pas comment il se comporte avec ce prêtre   ? Il se laisse mener par le bout du nez comme un enfant devant son maître.
    —  Il est respectueux avec lui comme il devait l’être, je suppose, avec le père Lanchon.
    —  Le père Lanchon était un modèle de délicatesse et de bonnes manières. Celui-ci ne mérite pas un tel respect !
    —  Si j’avais refusé d’aller aider ce prêtre, ton père aurait été déçu.
    —  Et moi dans tout ça   ? lâcha-t-elle, venimeuse et fière, faisant tout pour retenir ses larmes.
    Il ne l’avait jamais vue dans cet état, les lèvres gonflées d’un reproche retenu et les yeux brillants d’une sourde colère. N’était-ce pas la preuve, irréfutable, que cette jeune fille l’aimait   ?
    À présent, ils étaient si près l’un de l’autre qu’il pouvait sentir son souffle léger. Insensiblement, ses lèvres se rapprochèrent de celles du calligraphe et sa bouche, furtivement, s’y posa. Il suait à grosses gouttes. A tout instant, un ouvrier pouvait les surprendre. Il bredouilla :
    —  Je te promets, je reviendrai. Je ne t’abandonnerai pas.
    —  Je veux t’épouser… Nous sommes faits l’un pour l’autre ! Je prie toutes les nuits pour que la Providence nous y aide ! murmura-t-elle d’une voix rauque et sur le ton d’un aveu.

 
    60
     
    Shanghai, 28 avril 1854
     
    Dans le temple baptiste de l’Eglise du Septième Jour de Shanghai, la conférence de presse de la London Mission Society était sur le point de s’achever.
    Face à l’activisme des congrégations catholiques, qui tenaient une comptabilité précise de leurs baptêmes et en communiquaient périodiquement les chiffres gonflés à souhait, les missionnaires d’origine anglo-saxonne avaient à leur tour décidé de faire part de la progression de leurs conversions depuis leur arrivée en Chine au début de l’année 1843.
    Même si cette « guéguerre de religion » n’avait pas grand-chose à voir avec les conflits entre protestants et catholiques qui avaient empoisonné les pays du nord de l’Europe pendant des siècles, elle se traduisait toutefois par une âpre rivalité sur le terrain où chacun s’efforçait de devancer l’autre.
    « Fulgurante » et « phénoménale » : tels étaient les termes employés par le révérend Charles MacTaylor dont le meilleur ami était le pasteur Roberts, ce qui expliquait la présence, parmi la dizaine de pasteurs qui participaient à la causerie, de celui qui, arrivé en Chine en 1838, faisait figure de pionnier parmi les missionnaires protestants œuvrant dans l’Empire du Milieu.
    Dans la salle aux murs nus dont le seul meuble, à

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