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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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désarticulés et à moitié dévorés par les chiens errants.
    —  Maman, où va-t-on   ? gémit la petite fille, tandis qu’elles progressaient avec difficulté dans ce chaos infernal en contournant des murs de flammes et en enjambant des charognes.
    —  N’aie pas peur, ma chérie. On va prendre un bateau. Regarde là-bas, il y en a plein… répondit sa mère adoptive en désignant le port fluvial qu’on apercevait au loin dans le poudroiement argenté des eaux du Chang Jiang qui brillaient sous la lune.
    Au bout d’une heure de recherche épuisante, Jasmin Éthéré, convaincue que le premier pas de sa marche vers Londres était à coup sûr le plus difficile, finit par trouver le chemin qui menait au port. Des centaines de pauvres gens le parcouraient en sens inverse, le visage rempli d’espoir. Attirés comme un aimant par ce Céleste Royaume dont le chef proclamait que tous les citoyens y étaient égaux et y jouissaient des mêmes droits, ils étaient loin de se douter qu’ils seraient condamnés à attendre de longues semaines, presque sans boire ni manger, au pied des murailles de l’ancienne capitale de la Chine avant d’être enrôlés dans l’armée des gueux pour y servir de chair à canon.
    L’orage s’était levé. En contrebas, un sourd tonnerre, espacé de calmes, montait par intervalles du fleuve invisible. Soudain, au détour du chemin, elle le vit, sous la vive clarté de la lune, dans la nuit maintenant striée d’éclairs. L’approche du grand ruban bleuté et scintillant rendait euphorique notre belle contorsionniste. À la légère brise qui lui balayait le visage se mêlait désormais le souffle de la liberté reconquise. Son plan était parfaitement échafaudé. Dès le lever du jour, elle prendrait la première péniche pour Shanghai où, en six mois à peine, elle aurait tôt fait de gagner l’argent nécessaire à l’achat de deux billets pour l’Angleterre. Elle se donnerait en spectacle autant de fois qu’il le faudrait pour atteindre cet objectif.
    Une détonation sèche la sortit brusquement de la douce euphorie dans laquelle elle avait glissé.
    Surgie du bas-côté du chemin se dressait devant elle l’ombre d’une haute silhouette dont elle n’était pas capable de distinguer les traits en raison d’un contre-jour provoqué par la lumière qui se réfléchissait à la surface du fleuve situé en contrebas. L’individu, qui tenait un fusil dont le canon fumait encore, venait de tirer en l’air.
    —  Bonjour, belle jeune fille… lâcha-t-il en s’avançant vers elle d’un pas décidé.
    L’inconnu s’exprimait avec un fort accent guttural, qu’elle n’avait jamais entendu.
    —  Bonsoir, monsieur… fit-elle, bien décidée à ne pas se laisser importuner et à poursuivre sa route.
    C’est alors que l’homme lui barra brusquement le passage.
    —  Où vas-tu ainsi, par une nuit noire… avec ta fille   ? Deux femmes, dehors à cette heure-ci… ça paraît louche ! Avec moi, il faut répondre ! Mieux vaut ne pas jouer au plus malin !
    L’homme, qui mangeait tellement ses mots que ses propos étaient difficilement compréhensibles, avait un ton menaçant.
    —  Je n’ai pas de comptes à vous rendre ! Je vais où bon me semble ! s’écria-t-elle en prenant dans ses bras Fleur de Sel qui s’était mise à pleurer.
    L’homme empoigna brusquement le poignet de Jasmin Éthéré pour l’attirer vers lui, ce qui fit sortir du contre-jour sa face abîmée par les tavelures de la petite vérole où de petits yeux rougeoyants brillaient d’un éclat inquiétant. Quatre autres individus l’entouraient, armés de poignards dont les lames luisaient dans la pénombre. Ces hommes étaient-ils des Taiping ou bien des impériaux, ou encore des bandits de grand chemin qui agissaient pour leur propre compte   ? Elle était incapable de le dire.
    —  Tu iras où je voudrai ! répliqua, d’un ton rogue, l’homme au visage grêlé en la poussant devant lui sur le chemin.
    Elle s’apprêtait à lui répondre vertement lorsqu’elle sentit qu’on lui piquait le dos, ce qui la fit se retourner vivement. C’était la pointe du poignard de l’un des sbires, auquel il n’était pas question de faire défaut car il l’eût transpercée de part en part à la moindre incartade. Au pas de course, elle fut conduite jusqu’à une jonque qui mouillait au bout d’un quai désert. Arrivée au pied de la passerelle, l’homme au fusil lui intima de

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