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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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serait grand temps que nous fassions les comptes ! lâcha Antoine Vuibert en se dirigeant d’office vers le fauteuil défoncé où le comprador faisait asseoir ses visiteurs.
    —  Ici, les affaires deviennent de plus en plus difficiles… Les grandes compagnies anglaises cassent les prix à qui mieux mieux… maugréa le Mongol qui savait fort bien pourquoi ses deux visiteurs étaient venus le trouver.
    Le Français planta ses yeux dans ceux, impénétrables puisque invisibles, du grossiste, tout en lui tendant une feuille où s’alignaient des colonnes de chiffres.
    —  Voici l’état de nos créances… En te faisant cadeau des intérêts, il y en a pour deux mille trois cents pièces d’un liang en argent. Tu as quinze jours pour les honorer !
    Le Mongol, tel un masque de l’Opéra de Pékin, grimaça.
    —  C’est bien peu de temps ! Pour vous payer, je dois faire rentrer toutes les liquidités que j’ai dehors ! Mes clients ont du mal à régler comptant…
    —  Ce n’est pas notre problème ! dit Stocklett pour enfoncer le clou.
    —  En été, les ventes d’opium fléchissent. Elles reprennent toujours à l’automne, ajouta le bougre, prêt à tout pour gagner du temps.
    —  À l’automne, il te faudra trouver un autre fournisseur…
    Deux Fois Plus de Chance haussa un sourcil.
    —  La compagnie V.S.J. & Co a cessé d’exister. Nous l’avons dissoute, expliqua l’Anglais.
    Le visage du Mongol s’habilla de méfiance.
    —  Vous arrêtez le commerce d’opium   ?
    —  Depuis Singapour… oui ! fit le Français, sans plus s’étendre.
    Bien décidé à se passer des services du gros comprador , il ne tenait pas à lui faire part de ses projets d’installation à Shanghai.
    —  J’espère qu’il aura compris de quel bois nous nous chauffons ! ajouta-t-il à l’intention de Nash, une fois sortis de chez le grossiste importateur.
    —  Avec ce genre d’individu, on peut s’attendre à tout…
    À l’issue de leur visite à Deux Fois Plus de Chance, Antoine avait prévu d’aller au consulat de France pour se renseigner sur les possibilités d’implantation de sa société dans la concession française. Leur palanquin, qui était pourtant doté de quatre porteurs, mit une bonne heure à traverser la ville déjà terriblement engorgée vu l’heure avancée de la matinée.
    Lorsque Antoine Vuibert et Nash Stocklett entrèrent dans le hall de la bâtisse de style vaguement néoclassique dont le toit de tuiles rouges tranchait avec la façade un rien pompeuse où le consul de France avait installé ses bureaux, un homme de haute taille y faisait les cent pas.
    Dès qu’il vit nos deux compères, l’homme en question, après leur avoir décoché un large sourire, les apostropha :
    —  Je parierais que vous êtes des compatriotes !
    —  Moi oui… pas mon ami… il est anglais ! répondit Antoine, un brin amusé.
    —  Je me présente, Dominique Rémi, originaire de Besançon, horloger et marchand de vin !
    —  Vous réparez des horloges   ?
    —  Je les importe, je les vends, je les répare… Je fais un peu de tout. Vous savez, les Chinois aiment beaucoup les pendules. Ils ont un rapport au temps très spécial. Pour eux, le temps ne s’épuise pas, il tourne et donc revient. D’ailleurs, ils ont la roue alors que nous avons le sablier !
    —  Je sais. Mon maître Stanislas Julien m’expliqua comment le père Ricci avait réussi à entrer en contact avec l’empereur Wanli {63} qui refusait obstinément de le recevoir parce que l’horloge mécanique dont il avait fait cadeau au Fils du Ciel était tombée en panne !
    —  Figurez-vous qu’il existe ici deux ou trois temples où les gens vénèrent Matteo Ricci comme le dieu des horlogers…
    —  Depuis quand êtes-vous arrivé à Shanghai, monsieur Rémi   ?
    —  J’y ai débarqué le 15 mars 1848. Depuis, ma foi, je poursuis mon bonhomme de chemin. J’ai fait construire une maison non loin d’ici… Pour l’instant, je suis l’unique utilisateur de la concession française. C’est fou ce que nos compatriotes peuvent être frileux quand on les compare aux Anglais !
    —  Merci pour eux ! fit Stocklett en souriant.
    —  Nous venons voir le consul de France parce que nous souhaiterions implanter une maison de commerce sur les terrains concédés à la France… en espérant qu’ils ne sont pas trop infestés par les réfugiés qui fuient les zones de combat où sévit la rébellion

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