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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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Il écumait les côtes du Shandong jusqu’à Canton. Malheur aux navires qui croisaient sa route : aucun ne pouvait résister aux assauts de ses hommes intrépides qui étaient capables de monter à bord de jonques lancées à pleine vitesse leur sabre entre leurs dents ! s’écria le vieux marin avec des accents lyriques.
    Jasmin Éthéré frissonna, le regard perdu vers les eaux argentées du fleuve qu’on apercevait, inaccessibles, par l’étroit hublot.
    —  Je n’ai aucune envie de finir mes jours chez le descendant de cet individu !
    —  Dans ce cas, il te faudra trouver le moyen de t’enfuir…
    —  J’en ai vu d’autres, fit-elle d’une voix rauque, en pensant à la façon dont elle était parvenue à s’échapper des geôles de la police impériale de Canton avec Mesure de l’Incomparable.
    Au petit matin, alors que la jonque naviguait depuis deux heures, portée par le fort courant du Chang Jiang, Jasmin Éthéré, allongée à même le sol avec Fleur de Sel pelotonnée contre sa poitrine et qui n’avait pas fermé l’œil depuis le départ du bateau, ressentit un grand choc. Aussitôt, sur la jonque, des cris fusèrent. Elle entendit l’équipage monter quatre à quatre en hurlant les escaliers qui menaient au pont supérieur.
    —  Que se passe-t-il   ? fit-elle en regardant le vieux marin que tout ce tintamarre avait réveillé.
    —  D’après ce que j’entends, notre jonque vient d’être abordée par une lorcha portugaise…
    —  Que viennent faire les Portugais ici   ?
    —  Les Mandchous affrètent ces navires pour en faire usage de police fluviale. Ils essaient de nous arraisonner… Ils viennent même de monter à bord… Avec un peu de chance, tu pourras fausser compagnie aux Japonais…
    Elle bondit vers la fenêtre et sortit du mieux qu’elle pouvait sa tête vers l’extérieur. Les coups de feu se succédaient, tandis que des projectiles enflammés retombaient dans le fleuve. À en juger par le tumulte au-dessus de leurs têtes et le tangage dont la jonque était à présent affectée, le combat faisait rage entre les impériaux et les pirates. Deux bonnes heures passèrent, pendant lesquelles les Japonais, submergés par le nombre de leurs assaillants, perdaient pied peu à peu. Elle pouvait apercevoir leurs corps ensanglantés tomber à l’eau les uns après les autres et entendre les hurlements de ceux qui étaient jetés vivants dans le Chang Jiang.
    Le bruit et la fureur commencèrent à décroître, annonçant la fin prochaine des combats, jusqu’à ce morne silence suivi d’un calme étrange, attestant de la réalité de celle-ci.
    Soudain, après un court laps de temps qui lui parut durer des siècles tellement elle s’attendait à ce qu’on vînt les libérer, une énorme explosion retentit, suivie d’un bruit terrifiant de cascade mêlé à des chuintements, en même temps que, dans un craquement de mauvais augure, le plancher de leur « cabine » commençait doucement à s’incliner.
    —  Qu’arrive-t-il   ? lança-t-elle d’une voix angoissée à son compagnon d’infortune, en désignant la flaque d’eau noirâtre venue de dessous la porte et qui s’étendait lentement sous leurs pieds. Le vieux navigateur préféra lui répondre par un sourire apaisant. À quoi bon expliquer à cette belle Chinoise dont l’enfant, insensible au terrible drame, dormait dans ses bras du sommeil du juste que les impériaux venaient de couler leur jonque   ?
    Quelques instants plus tard, ils sombraient dans les eaux du grand fleuve où ils furent engloutis à jamais.

 
    62
     
    Shanghai, 28 juin 1854
     
    —  Heureux de vous voir, messieurs ! s’écria Deux Fois Plus de Chance, cachant mal une surprise qui ne l’empêcha pas de se casser en deux dès qu’il vit les deux nez longs occidentaux entrer dans ce qu’il appelait pompeusement son « bureau » et qui n’était en réalité qu’un minuscule appentis jouxtant l’entrepôt où s’entassaient des caisses manipulées par des coolies noirs de crasse et d’une maigreur cadavérique.
    Aussi gros et ventru que haut et baraqué, le comprador auprès duquel la compagnie V.S.J. & Co écoulait sa marchandise à Shanghai était un Himalaya de chair d’origine mongole ainsi qu’en témoignaient, outre sa corpulence, son faciès plat et ses yeux si bridés qu’il était impossible d’en distinguer la couleur.
    Le Mongol immense affichait un sourire de traître de comédie.
    —  Il

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