Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
Vom Netzwerk:
Lorsqu’elle y arriva, harassée par l’effort, elle constata qu’une escouade de gardes en armes y contrôlait les allées et venues de ceux qui entraient et sortaient de Nankin. Depuis plusieurs semaines, les Taiping, qui craignaient des infiltrations d’espions, avaient renforcé tous les points de passage qui permettaient l’accès à la Céleste Capitale.
    —  N’aie pas peur, ma chérie, tout va bien se passer… souffla-t-elle à Fleur de Sel lorsqu’elles approchèrent du poste de garde.
    Dès qu’il vit Jasmin Éthéré, tenant sa petite fille par la main, l’un des hommes du poste s’avança vers elle et lui mit sa lanterne sous le nez.
    —  Ne passent que les titulaires d’un sauf-conduit !
    La jeune femme accusa le coup, haletante. Puis, se souvenant qu’elle avait sur elle la petite plaque de bronze numérotée que délivrait à ses agents la Chancellerie de la Guerre, elle la brandit devant le soldat lui en disant, d’une voix qui se voulait assurée :
    —  Je suis l’assistante du Chancelier de la Guerre. C’est écrit là-dessus. Je suis envoyée en mission spéciale !
    —  Attends là. Je dois aller voir mon chef ! fit le soldat avant de se rendre dans la guérite qui jouxtait la muraille.
    Son chef, devant lequel elle fut aussitôt amenée, était un sergent dont l’embonpoint était tel qu’il remplissait à lui tout seul la casemate où il trônait sur un fauteuil d’osier dont c’était miracle qu’il ne s’effondrât pas sous son énorme poids. L’obèse, qui puait l’alcool de riz à plein nez, regarda la contorsionniste de son petit œil torve à moitié caché par les plis graisseux de son visage.
    —  Quel est le but de ta sortie   ?
    Vu le péril de la situation, elle n’avait pas d’autre choix que de tenter le tout pour le tout. Sans se démonter, elle désigna la petite plaque de bronze que l’officier tenait à la main.
    —  Je l’ai dit au soldat. Je suis envoyée en mission spéciale par la Chancellerie de la Guerre dont je suis une des agentes, comme c’est marqué sur ce document.
    —  Tu es mal tombée… je ne sais pas lire ! laissa tomber, dans un éclat de voix et entre deux lampées, la colossale masse de chair.
    —  Si tu ne me laisses pas passer, ça risque de te coûter très cher. Ma mission ne souffre pas le moindre atermoiement.
    —  Que vient faire un enfant, dans de telles circonstances   ? ajouta, soupçonneux, le chef des gardes.
    —  Cet enfant me sert, précisément, de couverture… Tous ceux que ma route croisera auront ta réaction : ils seront à mille lieues d’imaginer que je m’apprête à agir pour le compte de la défense des intérêts suprêmes du Céleste Royaume ! poursuivit Jasmin Éthéré avec aplomb.
    Le sang-froid et l’audace dont elle faisait preuve ébranlèrent le gros sous-officier qui, d’un air soudain absent, lui fit signe de passer.
    Le cœur battant à rompre et tout heureuse d’avoir franchi ce premier obstacle, elle se hâta de traverser la haute muraille qui ceinturait Nankin.
    Une fois à l’extérieur de la ville, elle eut un choc.
    Depuis les remparts jusqu’à la plaine où, en contrebas, coulait le fleuve Bleu, s’étendait un immense campement de huttes de branchages où avaient trouvé refuge des milliers de familles de paysans chassées de leurs terres et que les Taiping n’avaient pas encore intégrées dans l’armée des gueux. Devant le spectacle des centaines de feux que ces pauvres gens avaient allumés et qui crépitaient dans la nuit, elle fut saisie d’effroi. Quand on était à l’abri des murailles de Nankin, il était impossible d’imaginer que toute la misère des campagnes environnantes se rassemblait ici, dans une atmosphère de cour des miracles, près de ces flammes autour desquelles des bambins en haillons trouvaient encore la force de faire la sarabande en riant aux éclats.
    Fleur de Sel, terrifiée par ces ombres fantomatiques qui s’étiraient sur le sol, serrait très fort la main de sa maman.
    Entre des mares croupissantes et au milieu de la foule des miséreux, des militaires de l’armée des gueux patrouillaient, le fouet et la lance à la main, afin de dissuader les familles, que le mouvement Taiping faisait visiblement rêver, de prendre d’assaut le mur d’enceinte de l’ancienne capitale impériale. Les cadavres des malheureux qui s’étaient lancés dans son escalade à mains nues gisaient au pied de ses murailles,

Weitere Kostenlose Bücher