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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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sou neuf, où les immeubles d’une blancheur immaculée bordaient des rues qui n’étaient pas jonchées d’ordures ni de charognes, dont les parcs résonnaient des cris joyeux d’enfants – garçons ou filles car en Angleterre on ne faisait pas la différence !  – habillés comme des princes qui jouaient au croquet ou à la marelle sous la surveillance de leurs « nannies », lesquelles les gavaient de sucreries.
    Bref, l’Angleterre était un paradis sur terre où chacun était riche et où il faisait bon vivre.
    Tout à son désir d’échapper à la funeste réalité qui l’enserrait désormais dans un étau, elle continuait à se projeter dans cet endroit idéal où elle était persuadée que sa fille serait heureuse, lorsqu’elle entendit, venant de la rue, le son de la trompe qui annonçait que la grande messe du sabbat aurait lieu dans une heure.
    Elle l’avait complètement oubliée. Bien qu’elle ne fût pas croyante, il n’était pas question pour elle d’arriver en retard. En raison de ses fonctions à la Chancellerie de la Guerre, Jasmin Ethéré était tenue d’y assister à une place précise, au deuxième rang de la travée réservée aux femmes. Contrevenir à cette obligation eût à coup sûr eu pour effet de compliquer ses projets de fuite.
    Aussi, pareille à l’éclair, elle se leva promptement pour aller passer une robe de soie écarlate.
    Elle arriva juste à temps à l’office et se fraya un chemin dans la grande salle de prières où l’assistance, à genoux et déjà en prières, attendait l’arrivée du Tianwan. Une dizaine d’hommes et de femmes, dont les corps raidis comme des planches étaient soutenus à bout de bras par les autres fidèles, étaient entrés en transe.
    Lorsque, au son des trompes et des cymbales, nimbé dans un nuage d’encens et revêtu des attributs impériaux, apparut Hong Xiuquan, tenant par la main le Prince de la Voix Muette, la foule se tut brusquement. Suivit un interminable prêche du Tianwan sur les vertus de Jésus, son Grand Frère Aîné, ainsi que sur la force bénéfique du Vent Consolateur, c’est-à-dire de l’Esprit saint.
    A l’issue de l’invocation des saints et de la bénédiction par lesquelles s’achevait toujours la messe du sabbat, le secrétaire particulier du chef des Taiping s’approcha de la contorsionniste qui s’apprêtait à quitter son banc et lui chuchota dans le creux de l’oreille :
    —  Jasmin Éthéré, le Tianwan souhaite te voir ce soir. Pourrais-tu te rendre au Palais Céleste   ?
    La contorsionniste regarda son interlocuteur avec étonnement. Pareille invitation ne lui disait rien qui vaille.
    —  Que me veut-il   ?
    —  Je n’en sais fichtre rien. S’il a demandé à te rencontrer, c’est qu’il doit avoir de bonnes raisons ! répondit l’autre, goguenard.
    Dehors, un palanquin l’attendait, et la mena aussitôt au palais du Nord où, ce soir-là, le chef des Taiping, qui, pour des raisons de sécurité, ne passait jamais la nuit au même endroit, avait pris ses quartiers.
    À peine arrivée, elle fut conduite dans la chambre du Céleste Souverain où elle entra de mauvaise grâce, devinant ce qui l’y attendait. À l’intérieur régnait un curieux désordre. Des chaises, des tables et des ustensiles étaient renversés à même le sol.
    Comment Jasmin Éthéré aurait-elle pu se douter que, quelques instants plus tôt, le Tianwan avait piqué une terrible colère en découvrant que son lit était vide alors qu’il s’attendait à ce qu’elle y fût déjà allongée, le corps entièrement nu et enduit d’onguents   ?
    Tel un fauve dans son antre, Hong était affalé sur un immense lit qui disparaissait sous plusieurs couches d’édredons de soie et de peaux de zibeline provenant du pillage du palais du vice-roi de Nankin. Son visage aplati, pâle, aux yeux étincelants d’excitation, était tapi dans ses longs cheveux sombres, comme un méchant sortilège au fond d’une maison hantée. Il lui fit signe d’approcher en même temps qu’il se lécha les babines. Prise de malaise devant l’attitude si peu équivoque du Tianwan, Jasmin Éthéré resta figée à quelques pas de la porte, prête, si c’était nécessaire, à prendre ses jambes à son cou.
    —  Déshabille-toi ! Je te veux entièrement nue !
    La voix du Tianwan était sourde, légèrement haletante.
    Elle fit mine de reculer mais comprit, au rictus du hakka qui avait bondi vers elle, que, si elle

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