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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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dans les cellules de leur cerveau.
    Vu son état, le Batave en question ne pourrait guère aller au-delà de cette dernière boulette. C’était d’ailleurs un dur à cuire : il en était à sa cinquième prise et Laura, grâce à lui, avait déjà rempli son quota de doses de la journée.
    —  Il me faut l’argent… lâcha-t-elle, quelque peu gênée. Elle était bien obligée d’appliquer la consigne très stricte du patron selon laquelle toute boulette d’opium n’était fournie à un client qu’après avoir été dûment payée. L’homme, au prix de mille efforts, sortit dans un râle la pièce d’argent de son gousset. Aussitôt, Laura l’empocha et prit sa pincette avant de déposer la boulette d’opium encore toute grésillante dans son réceptacle. Fébrile et tremblant, le Hollandais fourra tant bien que mal le tuyau entre ses lèvres et aspira longuement une première bouffée. Sous le choc, il poussa un cri déchirant puis retomba lourdement, telle une chiffe, sur sa banquette.
    Une odeur légèrement sirupeuse s’éleva lorsque la pâte d’opium se mit à grésiller. Le regard de Laura n’arrivait pas à soutenir la déchéance de cet homme dont les yeux venaient de se révulser. Au fond du couloir, elle aperçut Joe. Le jeune garçon passait de longs moments – bien trop longs au goût de sa sœur !  – à traîner dans les étages, fasciné par le spectacle de ces fumeurs allongés sur les banquettes auxquels le personnel de service préparait la mixture qui causait leur mort lente.
    Cela faisait deux semaines qu’elle était serveuse à la fumerie du Paon Splendide. Elle s’y occupait des clients étrangers auxquels les vingt-huit box du dernier étage du bâtiment étaient réservés.
    On se doute que Laura Clearstone ne se trouvait pas là de gaieté de cœur. Mais il est des circonstances de la vie où l’on est obligé de prendre ce qu’on trouve…
    Car elle n’avait guère eu le choix. C’était moins sur un coup de tête que poussée par une sorte de réflexe de survie qu’avec Joe, elle avait décidé de quitter le presbytère du pasteur Roberts, quelques heures après la découverte du corps sans vie de sa mère. L’Américain, après avoir béni le cadavre de Barbara à trois reprises en lisant un psaume, lui avait assené, sans un mot de compassion, un petit prêche sur l’acceptation des épreuves qui n’étaient rien à côté de celles que Jésus avait subies.
    —  Qu’ai-je fait de mal à Jésus pour qu’il me traite ainsi   ? avait-elle hurlé, révoltée.
    —  Une chrétienne ne doit pas blasphémer, mademoiselle Clearstone ! s’était écriée l’affreuse Bambridge tandis que le pasteur, piqué au vif, replongeait le nez dans sa grosse Bible.
    Laura, qui avait jusque-là réussi à contenir tant bien que mal ses pleurs, s’était alors laissée aller au désespoir. Malgré les sanglots qui l’empêchaient de respirer, elle s’était mise à hurler que Dieu était si injuste qu’elle doutait de son existence. Roberts, pâle comme un linge, avait fait signe à Bambridge de le suivre. Ils étaient revenus avec une corde et, après avoir enfermé Joe dans le réduit qui servait à entreposer la nourriture, ils s’étaient rués sur Laura et lui avaient attaché les bras derrière le dos avant de la jeter sur son lit. L’Américain était revenu dans la chambre de la jeune fille muni d’un seau d’eau et de son manuel d’exorciste. Pendant les deux heures au cours desquelles Roberts avait débité, sous le regard haineux de Melanie, les formules qui intimaient l’ordre à Satan de quitter le corps de la possédée, la jeune femme, consciente que sa crise ne faisait qu’aggraver les choses, avait fait semblant de s’endormir. Roberts, satisfait de la voir calme, l’avait détachée. Profitant de l’absence du pasteur et de sa gouvernante, qui étaient partis prêcher, elle était allée libérer son frère.
    Joe, épuisé à force d’avoir pleuré, avait accueilli sa sœur en libératrice.
    —  Partir… veux partir… toi partir… moi partir… loin… très loin !
    C’était la deuxième fois que Joe parlait, disait quelque chose de clair et de sensé, raisonnait comme un être humain à part entière. Bouleversée, Laura l’avait serré dans ses bras et couvert de baisers.
    Le lendemain matin, le pasteur Roberts avait annoncé tout de go à Laura qu’il comptait l’envoyer avec Joe aux États-Unis d’Amérique, plus

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