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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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poitrine et se contenta d’observer son père, le seul lien qui, désormais, la reliait au monde d’hier, à cet ordre ancien auquel avait succédé celui des Taiping, fragile et à coup sûr éphémère construction où elle avait trouvé refuge pour ne pas être engloutie dans le grand chaos chinois.
    À l’issue du dîner qu’elle avait tenu à préparer elle-même, elle entraîna Nash dans le jardin jusqu’à un buisson de pivoines arborescentes qui les mit à l’abri des regards et des oreilles indiscrets.
    Sans lui laisser le temps de prendre la parole, l’ancien chef comptable tomba à ses pieds.
    —  Laura, je dois te demander pardon… C’est moi qui ai poussé ton père à venir en Chine ! lâcha-t-il, les yeux mouillés de larmes au milieu d’un visage boursouflé par les remords.
    D’une voix douce, elle l’interrompit :
    —  Brandon n’était pas mon père…
    Nash, estomaqué, se releva, puis, comme pris de vertige, s’empara des mains de sa fille et se mit à les serrer comme le marin son cordage.
    —  Que dis-tu là   ?
    —  J’ai un secret à vous confier, de la part de maman !
    —  Parle ! fit-il, les yeux exorbités par la surprise.
    Le spectre de Brandon venait de resurgir, hâve et furieux comme au fameux soir où s’était noué le drame. Il imaginait son cadavre habillé d’un simple drap –  ce drap de lin immaculé qu’il avait, sous les yeux jaune phosphorescent de la chatte Daddy, sorti de son armoire ! – flottant quelques secondes sur les eaux de la Tamise avant de s’y enfoncer d’un seul coup, englouti par un remous plus fort que les autres.
    —  Sur son lit de mort, maman me fit une confidence à votre sujet, murmura-t-elle, palpitante, sans toutefois arriver à la formuler tellement elle lui paraissait incongrue face à cet homme qu’elle revoyait pour la première fois depuis tant d’années.
    —  Qu’est-ce à dire   ? souffla-t-il, pâle comme un linge.
    C’est alors que, brusquement, à la façon d’un cheval butant sur l’obstacle et se reprenant, soudain bloqué sur lui-même et incapable d’aller de l’avant, elle dit :
    —  Vous le saurez bientôt ! Avant cela, je veux savoir pourquoi vous me demandiez pardon…
    —  Parce que je suis un être indigne, Laura !
    —  Il ne faut pas dire ça ! s’exclama-t-elle.
    Entre deux gémissements et le souffle court, Nash commença à s’expliquer :
    —  Si ton père est venu se casser le nez ici avec ses pianos, c’est entièrement… de ma faute. C’est moi qui lui ai mis dans la tête cette idée saugrenue.
    —  Si Brandon n’avait pas voulu aller en Chine, il n’y serait pas parti ! Les êtres humains sont toujours les premiers responsables des décisions qu’ils prennent, déclara d’un ton ferme la jeune femme qui s’estimait mieux placée que quiconque pour souscrire à de tels propos.
    —  Tu dis cela pour être gentille avec moi… murmura, accablé, l’ancien comptable.
    —  Non ! Je le pense sincèrement !
    Stocklett approcha son visage de celui de la jeune femme et lui murmura dans le creux de l’oreille, d’une voix empreinte de détresse et avec précipitation :
    —  J’étais très amoureux de ta mère… Je pensais qu’elle resterait à Londres et ne partirait pas en Chine avec ton père. J’avais proposé à Barbara de l’épouser et de t’adopter, ainsi que ton frère. Je vous aurais élevés comme mes propres enfants. Ta maman fut le seul amour de ma vie…
    Elle recula légèrement et vit, émue et touchée, du soulagement dans le regard douloureux de Nash.
    —  Maman me l’avait dit !
    —  C’est de cela qu’elle t’a parlé sur son lit de mort   ? s’écria, sur un ton presque joyeux et comme divinement surpris, son père, pour qui la confidence de Laura équivalait à un cadeau aussi immense qu’inespéré que sa chère Barbara lui faisait parvenir d’outre-tombe.
    La jeune femme hésita un instant et, constatant qu’elle n’avait plus la force de lui révéler qu’il était son père, se borna à acquiescer avant de baisser les yeux, troublée à l’extrême par sa propre attitude.
    Face à elle, éperdu de reconnaissance, l’agnostique qu’était Nash Stocklett joignit les mains, comme s’il priait Dieu.
    —  Que t’a-t-elle raconté sur moi   ? Je t’en supplie, ne me cache rien. Je suis prêt à tout entendre, fit-il avec les yeux d’un chien attendant la caresse de son maître.
    —  Elle ne

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