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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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les perdre dans le courant humain qui les emportait, Laura donna une main à son fils et l’autre à son frère.
    —  Mais c’est là le Prince de la Voix Muette ! murmura, stupéfaite, une petite femme noire de crasse, maigre comme un échalas et qui poussait avec peine un chariot où elle avait entassé le peu qu’elle possédait.
    Très vite, chacun reconnaissait à présent celui dont Hong Xiuquan se servait comme médium et, au grand dam de la jeune Anglaise qui ne tenait pas à ce qu’on sût trop tôt en haut lieu qu’elle avait enfreint les ordres du Tianwan en emmenant avec elle son frère dans sa fuite, un attroupement se forma autour de Joe.
    —  Loué soit Dieu : le Prince de la Voix Muette est au milieu des femmes et des enfants ! lança une autre fugitive qui s’était précipitée vers le trisomique pour lui baiser les pieds.
    Des mains se tendirent aussitôt pour le toucher car il était censé porter bonheur et très vite, dans la cohorte des gueuses et des gosses, un murmure joyeux ponctué d’actions de grâces et de signes de croix succéda aux gémissements essoufflés et aux pleurs étouffés. Chacun se passait la bonne nouvelle : si le Prince de la Voix Muette était parmi eux, c’était que le Tianwan l’y avait envoyé pour leur montrer le chemin !
    Quant à l’intéressé, tout heureux de recouvrer son statut de demi-dieu, il affichait une mine béate et riait à gorge déployée.
    —  Maman, tous ces gens veulent qu’oncle Joe fasse des prières ! fit Paul, partagé entre la joie de son frère et l’angoisse qu’il sentait monter dans les yeux de sa mère.
    Embarrassée, Laura ne savait trop quelle attitude adopter. À présent, ils étaient de nouveau à l’arrêt, tant la foule des dévots qui les entourait était dense. Rester là devenait dangereux car plus le temps passait et plus le Tianwan risquait d’envoyer ses gardes à leurs trousses pour récupérer Joe. Elle avisa un pan de mur sur lequel elle grimpa avant d’y hisser son frère. Paul Éclat de Lune eut tôt fait d’y monter à son tour. Au loin, à guère plus de deux kilomètres, elle vit briller le fleuve Bleu vers lequel descendait lentement la multitude de réfugiés. Elle fit écarter les bras à Joe puis, d’une voix blanche et étonnée par le culot dont elle faisait preuve, elle se mit à haranguer la foule :
    —  Il ne faut pas stationner ici car ceux qui sont derrière vont se trouver bloqués. Dieu le Seigneur tout-puissant, par l’intermédiaire du Prince de la Voix Muette, vous demande d’avancer vers le fleuve Bleu.
    Aussitôt, la rumeur se répandit, colportant les propos de la jeune femme dont le frère se dandinait, tout fier d’exécuter son petit numéro médiumnique, et déclenchant l’ébranlement du cortège où s’élevèrent des hymnes à la gloire du Tianwan.
    —  Joe, il nous faut descendre vers le fleuve ! supplia-t-elle, voyant bien que son frère n’entendait pas quitter sa tribune devant laquelle tous ceux qui passaient se prosternaient en se signant.
    Joe et Paul Éclat de Lune s’entendant comme larrons en foire, ce fut le jeune garçon qui, en sautant du mur avant d’inviter son oncle à le poursuivre comme dans un jeu, finit par obtenir de lui ce que Laura souhaitait.
    Quand, au bout d’une heure de marche et sous un pâle soleil, ils arrivèrent enfin à proximité des berges du Chang Jiang, Laura, qui avait jusque-là l’esprit ailleurs, songea soudain au petit coffre d’ivoire que l’officier de Hong Xiuquan lui avait apporté. Elle entraîna son fils et son frère vers un belvédère désert d’où la vue sur le fleuve, qui paraissait ici vider le paysage de sa substance vers un mystérieux point de fuite, était époustouflante. Hors d’haleine, elle s’assit sur le banc de marbre moussu où les empereurs de la dynastie des Ming venaient jadis contempler les derniers feux du crépuscule lorsqu’ils noyaient d’or et de pourpre le roi des fleuves chinois.
    Lorsqu’elle ouvrit la boîte, elle vit briller à l’intérieur des liang d’argent qu’elle prit la peine de compter un à un. Il y en avait très exactement cent cinquante. Ce n’était pas une petite somme. En tout état de cause, largement de quoi voir venir. Visiblement, Hong Xiuquan avait tenu à ce qu’elle ne manquât de rien. Probablement était-il persuadé qu’ils ne se reverraient plus, sinon, pourquoi lui aurait-il fait porter une telle somme   ? Le cœur serré,

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