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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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– une marée humaine ! — de femmes et d’enfants habités par la peur qui prenait la direction du sud dans une atmosphère de fin du monde. Quelques matrones, parmi les plus costaudes, tiraient de lourdes charrettes où elles avaient amoncelé leur progéniture ainsi qu’un sac de riz, tandis que d’autres portaient sur la tête d’immenses ballots de nourriture. Les plus malingres, qui étaient aussi les plus pauvres, traînaient après elles des enfants en âge de marcher. Quant aux bébés, ils avaient pour la plupart été abandonnés à leur sort et pleuraient, assis dans leur merde, sur le seuil des immeubles désertés par leurs mères. Aucun vieillard ne figurait dans cet immense cortège de créatures en haillons, aux yeux résignés profondément enfoncés dans les orbites, dont la plupart avaient ce teint cireux qui témoignait de leur déplorable état sanitaire. Tel un grand corps malade se vidant de son sang, la ville était en train de perdre ses habitants. Bientôt, dans ses rues désertées, on n’entendrait plus que les gémissements des enfants en bas âge que la privation de nourriture amènerait très vite à la mort.
    Face à tant de dénuement et de misère, Laura, derrière laquelle Joe, l’air buté et contrarié, marchait à la façon d’un automate, prenait conscience qu’il n’eût pas été raisonnable de demeurer un jour de plus dans cette ville que les troupes loyalistes avaient transformée en gigantesque souricière.
    Paul Eclat de Lune, jusque-là muet mais conscient qu’un drame se nouait dans l’ancienne capitale impériale, demanda à sa mère :
    —  Maman, où comptes-tu aller   ?
    Mais celle-ci ne paraissait pas entendre, serrant les dents et pressant le pas, obnubilée par son désir de mettre le plus de distance possible entre eux et l’émissaire du Tianwan.
    L’enfant réitéra sa question.
    —  Maman…
    —  Quoi, mon chéri   ?
    —  Tu ne m’as pas répondu ! Où va-t-on   ?
    Comme elle n’en avait pas la moindre idée, sous une impulsion qu’elle regretta aussitôt en raison du faux espoir que ses propos risquaient de faire naître, elle prononça la première phrase qui lui passa par la tête :
    —  On va essayer de retrouver papa !
    Une onde de joie submergea le visage de l’enfant qui se mit à hurler :
    —  Je suis trop content ! C’est où qu’on va retrouver papa   ?
    —  On va d’abord aller à Shanghai… Là, on trouvera des gens qui nous diront où papa habite ! fit-elle sans hésiter à mentir à son fils, tandis que ce dernier, hilare malgré la vue des charognes qui jonchaient les rues et l’odeur des matières fécales, tirait à présent le bras de son oncle qui, sans ce geste, eût traîné les pieds.
    —  Tu sais ce que je lui dirai, à papa, quand je le verrai   ?
    —  Non !
    —  Qu’il m’a beaucoup manqué !
    Elle étouffa un sanglot, continuant à avancer à marche forcée comme si elle se dirigeait vers un néant qu’elle redoutait parce qu’elle risquait de s’y anéantir.
    —  Ton papa sera fou de joie de te voir… assura-t-elle, désespérée.
    Cahin-caha, ils arrivèrent aux portes de la ville. Hier sévèrement contrôlées par des policiers en armes qui ne laissaient passer que les titulaires de sauf-conduits, elles étaient désormais désertées par leurs gardes. En franchissant les hautes murailles couronnées de grilles, aux pierres usées par les cordages, labourées par les traces d’huile bouillante et crevassées par des siècles de projectiles, Laura prit soudain conscience qu’elle quittait définitivement un monde fragile, une parenthèse prête à se refermer. L’orgueilleuse Nankin, hier encore, sous les Ming, le véritable phare de la Chine, n’était plus qu’une poche de résistance de moins en moins étanche à la merci des impériaux qui, après le moment de stupeur consécutif à la perte de ce joyau, avaient pris le temps nécessaire à la mise en place d’une formidable contre-offensive sous la houlette du gouverneur Zeng Guofan.
    De l’autre côté de l’enceinte, les femmes et les enfants piétinaient en raison de l’étroitesse de la route qui n’arrivait pas à absorber le flot grandissant des fugitifs.
    —  Avancez plus vite ! Avancez plus vite, à l’arrière, ça bouchonne ! se mit à hurler un sbire avant de déployer un long fouet dont les lanières ne tardèrent pas à s’abattre sur les épaules à sa portée.
    Pour éviter de

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