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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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obligatoirement à ses désirs… murmura-t-elle, bien décidée à appeler un chat un chat.
    —  Pardonne-moi… J’ai sur les épaules un poids trop lourd à porter… fit la guerrière, avant de se jeter dans les bras de la jeune Anglaise puis de lui baiser les mains.
    A peine la sœur du Tianwan repartie, un officier Taiping se présentait devant Laura, un coffret d’ivoire à la main qu’il déposa sur la table après s’être cassé en deux.
    —  Mademoiselle, le Tianwan souhaite que le Prince de la Voix Muette le rejoigne au plus vite près du campement nord. Par ailleurs, le Céleste Souverain vous fait porter ceci.
    Laura sentit le grand vide du vertige monter sournoisement en elle en même temps que se déchirait le voile épais qui recouvrait jusque-là ses yeux au sujet du comportement paranoïaque et manipulateur du Tianwan. Il n’était pas question de laisser son frère seul jouer les médiums à Nankin alors qu’elle-même en était chassée. Elle en était à peu près sûre : maintenant que Hong Xiuquan et le Prince d’Orient étaient à couteaux tirés, le chef suprême des Taiping avait absolument besoin d’une créature comme Joe, apte, en raison même de son incapacité totale à communiquer avec autrui, à lui servir d’« intermédiaire » avec Dieu.
    C’était si simple, pour faire croire aux foules que Dieu en personne leur envoyait des messages, de faire parler un muet !
    Si elle ne voulait pas tomber dans le piège, il lui fallait quitter Nankin le plus vite possible en emmenant son frère et son fils avec elle, avant que l’officier ne découvrît le pot aux roses. Si on lui avait dit, la veille encore, qu’elle serait contrainte de prendre la fuite, elle n’eût pas cru une seconde à une telle prédiction. À présent que le moment de l’arrachement était venu, elle se sentait prise d’un terrible vertige. Abandonner le refuge inexpugnable des Taiping où elle vivait depuis si longtemps à l’abri du monde extérieur n’allait pas de soi. Mais les murailles de la forteresse de Hong commençaient à se fissurer dangereusement face à l’ampleur des forces que les Mandchous avaient déployées dans le but de mettre un terme à l’épopée du Céleste Royaume. De quoi, à cet égard, l’avenir serait-il fait   ? Elle n’en avait aucune idée, même si elle se faisait de moins en moins d’illusions sur la capacité de l’armée des gueux à résister aux multiples assauts des forces adverses.
    Avalant sa salive et s’efforçant de ne pas laisser transparaître la moindre trace d’émotion dans sa voix, elle répondit au soldat :
    —  Mon frère dort. Je dois l’habiller… Il n’est pas présentable au Céleste Souverain !
    —  Le Tianwan n’aime pas attendre.
    —  J’en ai pour moins de dix minutes. Le Prince de la Voix Muette est incapable de s’habiller tout seul.
    —  Dans ce cas, je vais attacher mon cheval et je vous attends devant la porte, déclara l’officier.
    Dès qu’il eut tourné les talons, la jeune femme fourra à la hâte dans un sac quelques affaires de première nécessité ainsi que le petit coffret d’ivoire que le Tianwan lui avait fait porter. Puis, sans faire le moindre bruit, elle se rua dans le jardin où Joe et Paul jouaient tranquillement aux billes.
    —  Mes chéris, il faut partir d’ici très vite… leur souffla-t-elle en les poussant vers la porte du fond du jardin.
    —  Pas partir ! commença par grogner Joe, qui retrouvait toujours la parole lorsqu’il s’agissait d’exprimer son souhait de rester à Nankin.
    —  Ce n’est pas le moment, Joe   ! gronda-t-elle en empoignant fermement son frère par le bras.
    Celui-ci, passablement ahuri face à l’implacable volonté de sa sœur d’ordinaire si douce avec lui et dont les yeux, à cet instant, brillaient de colère, finit par se laisser faire.
    Il suffit de quelques enjambées aux trois fugitifs pour se retrouver dans l’étroite ruelle encombrée de détritus qui servait de dépotoir aux maisons dont les façades donnaient sur l’avenue parallèle. L’odeur y était irrespirable, d’autant qu’au moment de la prise de l’ancienne capitale impériale, les Taiping y avaient traîné des cadavres d’habitants et d’animaux qui achevaient de s’y décomposer. Deux rues plus loin, ils débouchèrent sur une placette où ils étaient définitivement à l’abri du regard de l’officier. Là, ils furent aussitôt happés par une foule

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