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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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est là, assis à côté du gouvernail, lui répondit ce dernier en désignant un gros Chinois qui mangeait des graines de lupin, calé dans un fauteuil sur lequel était attachée une ombrelle.
    —  Vous serait-il possible d’appareiller immédiatement   ? supplia-t-elle en montrant à l’intéressé le plat de sa main où elle avait étalé ses pièces.
    L’homme, après lui avoir lancé un coup d’œil torve, empocha sans broncher les dix taels avant d’extirper de sa poche une petite corne dans laquelle il souffla à trois reprises.
    Quelques minutes plus tard, quand la péniche, tel un gros animal profitant de la puissance du courant, se mit à glisser vers le large, Laura, constatant avec soulagement que le navire était désormais hors de portée, essuya une larme.
    En regardant l’étrave du navire qui prenait de la vitesse ouvrir les flots comme une charrue la terre du champ au moment du labour, la jeune femme se demandait avec angoisse ce que donneraient de telles semailles…
    Arriverait-elle saine et sauve à Shanghai, avec son fils et son frère   ?
    De part et d’autre de la péniche, dans la très vague lueur perlée du soleil qui peinait à percer, les arbres, les rizières et les collines défilaient à présent à vive allure, comme s’ils avaient été les illustrations d’un livre dont un géant invisible eût tourné les pages.
    Alors, consciente qu’un nouveau chapitre de sa vie commençait, Laura tomba à genoux et se mit à implorer Dieu de lui accorder la grâce de retrouver celui qu’elle n’avait jamais cessé d’aimer.

 
    65
     
    Shantou, 17 décembre 1854
          
    L’arbre ne serait-il pas déjà devenu bateau   ?
    Depuis son départ de Zhangzhou, La Pierre de Lune, qui marchait d’un pas allant contre un vent marin à décorner les bœufs, ruminait cette phrase par laquelle Confucius décrivait une situation devenue irréversible.
    Entre Laura Clearstone et Pivoine Maculée de Rose, quel devait être son choix   ?
    La question ne cessait de le tarauder depuis que la fille de Joseph Zhong lui avait déclaré sa flamme. Il lui était reconnaissant de l’avoir arraché à une mort certaine en l’amenant chez son père alors qu’il grelottait de fièvre. N’était-ce pas là un geste d’amour   ? Pour autant, fallait-il accepter les doux assauts de cette jeune Chinoise, ce qui impliquait de faire le deuil de sa chère Laura   ? Aurait-il, surtout, la force et la volonté d’aller jusque-là en rompant avec un passé dont il ne s’était jamais guéri   ? Tant qu’il était auprès du père Monceau, accaparé par mille tâches, il s’était bien gardé de choisir, mais à présent que ses retrouvailles avec Pivoine approchaient, il sentait qu’il lui faudrait trancher.
    La brise chargée de gouttes d’eau cinglantes le contraignit à trouver refuge derrière un gros rocher en forme de stèle qui surplombait la route. Il s’assit sur la terre humide, adossé au granit que des lichens teintaient de jaune pâle et, surpris par la paix mystérieuse qui régnait à l’ombre de la pierre levée, laissa enfin vagabonder son esprit.
    Bientôt, le jeune lazariste le lui avait assez seriné pendant des semaines, ce serait le Noël des chrétiens, une fête dont les enfants, couverts de cadeaux pour la circonstance, étaient les rois. Il songea à Laura et à leur enfant Comment passeraient-ils Noël   ? L’enfant recevrait-il un cadeau   ? Étaient-ils en vie, sa mère et lui   ? Les reverrait-il   ? Les questions se bousculaient comme jamais au portillon de ses doutes et de ses espoirs. Il lui sembla que les chances de revoir Laura étaient désormais si minces qu’il fallait l’aide d’une puissance surnaturelle pour qu’un tel événement se produisît.
    Bouddha   ? Dieu   ? Le Tao   ? Selon leurs cultures, tels des nains incapables de marcher seuls dans l’épaisse forêt de l’existence où les guettaient mille dangers, les hommes faisaient appel à ces concepts inexplicables, qui s’incarnaient dans des êtres surnaturels ou dans des forces supérieures. Entre ces trois voies suprêmes, La Pierre de Lune n’avait plus d’inclination particulière. Il préférait s’en tenir à l’adage de Zhuangzi : une rencontre est toujours le fruit d’un hasard céleste.
    En caressant les algues et les champignons minuscules, rugueux comme la peau d’un lézard, qui habillaient la pierre d’un véritable manteau d’Arlequin, il se mit à

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