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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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se dépenser sans compter pour organiser la cantine où tous les pauvres pouvaient manger, à délivrer avec constance ses cours de catéchisme à quelques ouailles qui s’y étaient égarées, ou encore à imaginer un système loufoque destiné aux baptêmes de masse et consistant à installer dans le dispensaire un puissant jet d’eau sanctificateur devant lequel les bambins pourraient se présenter par fournées de vingt ou trente….
    —  Je ne suis pas sûr qu’un enfant de trois ans soit disposé à aller vers telle ou telle religion… avait hasardé La Pierre de Lune après qu’Alexandre s’était livré à un vigoureux plaidoyer sur la question.
    —  Permettre à des petits enfants d’aller au paradis, il n’y a rien de plus beau ! Ma vocation est de sortir les Chinois du péché dans lequel ils vivent.
    Pour la première fois, le jeune calligraphe, surmontant sa réserve, avait interpellé le jeune lazariste sur la notion de relativité, dont il l’estimait singulièrement dépourvu.
    —  Ce qui est vrai pour vous l’est-il pour les autres, père Monceau   ?
    —  Il n’y a qu’une vérité : celle de Dieu tout puissant et miséricordieux ! Et tous les jours je prie pour que ton âme en soit inondée ! avait tempêté le lazariste.
    —  Mais pourquoi Dieu tout puissant laisse-t-il tant d’hommes et de femmes dans l’ignorance de son existence   ?
    —  Il appartient aux gens nés, comme moi, en Occident et qui ont la chance de connaître l’existence de Dieu ainsi que celle du Christ de convertir les autres hommes… les mécréants qui vivent dans l’obscurantisme sur les autres continents, en Afrique ou en Asie par exemple…
    —  Mais si ces derniers sont heureux avec leurs idoles, pourquoi faudrait-il les obliger à changer de religion   ?
    Monceau, consterné par le propos, avait pris un air à la fois condescendant et attristé.
    —  La question, mon cher La Pierre de Lune, n’est pas celle du bonheur, mais plutôt celle du salut ! Ne crois-tu pas qu’après la mort, il est préférable d’aller au ciel plutôt qu’en enfer   ?
    Le Chinois avait failli rétorquer au lazariste qu’il cherchait le paradis ici et maintenant mais, convaincu que ce dernier le prendrait fort mal et répugnant à humilier autrui pour le plaisir, il s’était abstenu.
    Pour faire bonne mesure, à quelques jours de l’achèvement de la première phase des travaux, Monceau, à qui rien ne paraissait impossible, avait fait placarder aux quatre coins de Zhangzhou l’annonce de l’ouverture prochaine d’un « hôpital du peuple » par l’Église catholique, ouvert à tous les gens ayant besoin de se soigner. Dès le lendemain, une foule d’hommes, de femmes et d’enfants maigres comme des échalas avait afflué devant le presbytère. Alexandre, prenant son courage à deux mains, s’était mis à haranguer au nom de Jésus-Christ cette assemblée de pauvres gens estropiés et malingres qui n’avaient plus que la peau et les os et auxquels se mêlaient des lépreux aux extrémités rongées par leur mal, des galeux à la peau couverte de squames et de vermine, des paralytiques qui ne pouvaient se traîner qu’accroupis ou sur des planches à roulettes, ainsi que des tuberculeux au seuil de la mort qui crachaient leurs poumons dès qu’ils ouvraient la bouche.
    Flatté par le succès inespéré de son annonce, Alexandre, surmontant le profond dégoût que lui inspirait cette populace immonde, avait dit à La Pierre de Lune :
    —  Bientôt, tous ces gens seront sauvés…
    Le prêtre faisait allusion non pas à leur maladie mais au baptême qu’il comptait bien leur administrer dès leur admission au dispensaire.
    Il faut préciser que, telle l’ortie ou la carotte sauvage, ces plantes coriaces qui s’adaptent parfaitement au terrain où elles poussent, le jeune lazariste était tellement obnubilé par l’au-delà qu’il n’avait pas mis très longtemps à s’habituer au spectacle de la maladie et de la misère d’ici-bas dont cette pauvre Chine fournissait la palette la plus complète.
    —  Au début, lorsque je croisais des pauvres dans la rue, je me sentais coupable… à force, on s’habitue… D’ailleurs, vous autres Chinois, vous semblez l’accepter parfaitement ! avait-il déclaré à son assistant, un soir qu’ils avaient buté sur les cadavres de deux nouveau-nés jumeaux que leur mère avait laissés devant la porte du presbytère.
    Effaré par le

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