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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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d’Élévation Paradoxale.
    —  Je n’ai pas le droit d’en faire état et vous le savez fort bien ! répondit sèchement le flic.
    Le vieux castrat piqua du nez. La remarque du chef Liang, quoique parfaitement justifiée, le délit de « viol de correspondance impériale   » pouvant coûter la tête à son auteur, était on ne peut plus humiliante.
    —  Je sais tenir ma langue. Les secrets d’État, en tant que Second Secrétaire de Sa Majesté, j’en connais des flopées, soupira le vieil homme.
    —  Il est inutile d’insister ! lâcha Liang redevenu impassible.
    —  Dans ces conditions, il est temps de mettre un terme à cet entretien, conclut Toujours Là.
    Péniblement, le vieil eunuque se leva, tâta son dos endolori par la trop longue station sur sa chaise de bois, fit un petit signe d’adieu à Wang le Chanceux et quitta d’un pas lourd le commissariat.
    Lui qui avait passé sa vie à manipuler les autres et à les dominer, en mettant sur le gril tous ceux qui essayaient de lui résister, avait à présent l’impression d’être à la merci du premier malfrat venu.

 
    36
     
    Environs de Canton, 26 août 1847
     
    Précédé du cliquetis de la clé ferraillant avec le mécanisme de la serrure, le grincement de l’ouverture de la porte fit sortir La Pierre de Lune de son demi-sommeil en même temps que la fulgurance d’un ouragan de lumière éblouissante chassait brusquement les ténèbres où le fils de Daoguang était enseveli.
    A quelques kilomètres à peine du bureau du chef Liang, un homme venait de pénétrer dans la cellule où le prisonnier était enfermé sans jamais voir le jour. L’homme en question était un gardien et sa main gauche tenait une torchère. Comme à l’accoutumée, lorsqu’il apportait au prisonnier son unique bol de riz de la journée, il avait laissé la porte ouverte et fiché la flamme dans une fente du mur de pierre.
    —  C’est le moment de manger ! lança-t-il à La Pierre de Lune qui ne leva même pas les yeux vers lui.
    Profitant de la lumière, le fils de Daoguang, concentré à l’extrême, se rua sur un gros pinceau en poils de loutre posé au sol et le plongea illico dans le pot à eau du geôlier. Pour calmer son angoisse, dès qu’il le pouvait, il s’adonnait à la calligraphie.
    —  Quel poème vas-tu écrire aujourd’hui   ? lui demanda l’homme sur un ton sarcastique tandis que commençait le va-et-vient du pinceau, cet étrange ballet fait de souplesse et de précision millimétrique, de cette fausse désinvolture cachant une rigueur extrême dont seuls étaient capables les plus grands scribes.
    Le fils de Daoguang était perdu dans la contemplation des premières strophes de la Chanson du toit de chaume abîmé par le vent d’automne du grand poète Dufu qu’il venait de tracer sur le sol avec l’eau du pot. Puis, toujours sans se soucier de la présence du geôlier analphabète qui ouvrait des yeux ronds, il se hâta de lire à voix haute sa calligraphie éphémère.
    Au huitième mois de l’année, au début de l’automne, le vent hurlant de colère a enroulé sur elles-mêmes les trois couches du toit de chaume de ma maison…
    Le chaume s’envole de l’autre côté du fleuve et se répand sur la rive…
    Emporté vers le haut, il s’accroche à la cime des arbres…
    Pour le reste, il est tiré vers les bas-fonds…
    La pluie tombe comme du chanvre jamais coupé en fils…
    Un genou à terre et le menton dans la main, dans le faux jour incertain créé par la torchère qui se consumait en sécrétant des fumerolles grésillantes, La Pierre de Lune le déclama d’une voix forte, une fois, deux fois, trois fois… Dire et redire ce poème, inlassablement, comme une incantation, en goûtant chacun de ces mots comme un mets délicat, était la seule activité qui calmait son esprit et apaisait son cœur depuis qu’Épée Fulgurante le retenait prisonnier dans une nuit perpétuelle.
    Quelques secondes plus tard, sur le sol de terre battue, les caractères cursifs s’étaient évanouis…
    —  À quoi servent ces formes qui s’effacent aussitôt qu’elles ont été dessinées   ? s’écria le geôlier en ricanant.
    La Pierre de Lune respira un grand coup, tout en essuyant son pinceau, et répondit à l’ignare :
    —  Si tu avais appris à écrire les mots comme il faut, tu ne poserais pas ce genre de question inepte !
    —  Mes parents étaient pauvres. À la maison, personne ne savait

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