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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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mélange détonant susceptible d’exploser à la moindre étincelle…
    Toutefois, peu désireux de se lancer dans une joute verbale avec son hôte, le Français préféra changer de sujet.
    —  Figurez-vous que je n’ai toujours aucune nouvelle de l’arrivée de M. de Montigny ! Le ministère des Affaires étrangères continue à faire le mort.
    —  Vous devriez en être satisfait, mon cher. En attendant, vous êtes libre comme l’air… vous pouvez vaquer à vos propres affaires. Si vous saviez comme je vous envie ! s’écria Niggles sur un ton qui se voulait à nouveau enjôleur.
    —  J’apprécie cette façon que vous avez de prendre les choses du bon côté… fit Antoine, mi-figue, mi-raisin.
    L’Anglais, n’y tenant plus et prenant volontiers à la lettre le compliment du Français, décida de tenter le tout pour le tout.
    —  Mon cher Antoine, il faut que je vous avoue quelque chose.
    —  De quoi s’agit-il   ? fit l’autre, à mille lieues de se douter de la déclaration qui allait suivre.
    —  Vous me plaisez énormément. À vrai dire… euh ! Je crois, mon cher, que je suis un peu amoureux de vous !
    Tombant des nues, l’apprenti diplomate était trop estomaqué pour articuler une réponse. Depuis qu’il connaissait Niggles, il n’avait jamais décelé en lui la moindre trace d’homosexualité. Soudain, il repensa à l’haleine fétide de Firouz, l’horrible individu qui avait failli le violer au Colibri d’Alexandrie, et une vague nauséeuse l’envahit des pieds à la tête.
    —  Vous ne dites rien. Ce que je vous apprends vous surprendrait-il à ce point   ? ajouta l’Anglais en minaudant.
    Antoine, visage fermé, qui le trouvait ridicule, presque pathétique, lui déclara :
    —  À vrai dire, je ne m’en étais pas aperçu, monsieur Niggles ! De longues minutes s’écoulèrent, pendant lesquelles Antoine, prêt à mettre son poing dans la figure de l’intéressé en cas de geste déplacé, dévisageait celui-ci d’un air à la fois détaché et hostile. L’Anglais, conscient qu’il avait fait chou blanc, commença à paniquer avant de s’écrier d’une voix angoissée :
    —  Je suis un très mauvais communicant. À présent que je me suis dévoilé, ôtez-moi d’un horrible doute et faites-moi part de votre réaction ! Éprouvez-vous pour moi un sentiment quelconque   ?
    Le Français, après avoir avalé sa salive, répondit :
    —  De l’étonnement, monsieur Niggles… Et pour ne rien vous cacher, une bonne dose de pitié…
    —  Vous ne m’aimez pas   ? Sachez que je suis tombé follement amoureux de vous la première fois que je vous ai vu ! gémit le marchand d’opium.
    —  Ce n’est pas mon cas.
    L’Anglais poussa un râle de désespoir et d’imploration avant de baisser la tête et de la plonger dans ses mains. Il sanglotait.
    —  Monsieur Niggles, je n’ai rien contre vous mais, n’ayant jamais été inverti, je ne vois pas au nom de quoi je le deviendrais !
    Inverti ! Voilà que le Français avait employé ce mot quasi obscène par lequel désignaient l’homosexualité ceux qui la considéraient comme une tare !
    Le visage de Niggles était défiguré par la souffrance. Il s’était fait des illusions et, en plus du reste, il avait tout cassé entre lui et Antoine. Il demeurerait à jamais un incompris.
    Le Français se leva et s’apprêtait à lui tendre la main lorsque l’autre, accablé, s’écria d’une voix tremblante :
    —  Vous savez quoi, Antoine   ?
    Le Français, qui ne savait pas où le marchand d’opium voulait en venir, haussa les sourcils et le regarda d’un air à la fois désabusé et interrogateur.
    Niggles, gris comme une ardoise, réitéra sa question :
    —  Vous savez quoi   ?
    —  Non…
    —  Allez au diable !
    Antoine était déjà parti lorsque le représentant de Jardine & Matheson en Chine alla chercher la plus belle soupière de son service « Compagnie des Indes » avant de la lancer violemment sur le sol où elle s’éparpilla en mille morceaux. Peu après, la voix mielleuse de Zhong, satisfait de voir s’éloigner un dangereux rival, demanda à son maître :
    —  Monsieur veut que je nettoie   ?
    Celui-ci, affalé dans son fauteuil comme une chiffe, ne répondit même pas, hanté par le souvenir de baby face dont il était certain, désormais, qu’il ne le reverrait plus.

 
    38
     
    Canton, 30 août 1847
     
    —  Nous ferions mieux d’aller tout de suite

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