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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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chez ce pasteur ! Bientôt, le soleil sera au zénith ! Une fleur ne reste jamais rouge cent jours de suite {12} ! gémit le vieil eunuque qui vomissait copieusement le contenu de son estomac.
    En même temps qu’il sentait remonter dans sa gorge le goût terriblement amer de la bile, Toujours Là avait l’impression que son âme s’échappait par sa bouche.
    —  Vous allez voir, ça va passer ! Moi aussi, j’ai souvent des nausées quand je n’ai pas assez dormi. Après la douleur, le plaisir est encore plus intense ! Quant à ce pasteur américain, nous irons de ce pas taper à sa porte   ! souffla Wang le Chanceux en se fendant d’un grand sourire.
    L’indic avait facilement convaincu le vieux castrat de se rendre dans cette fumerie où ils avaient passé la nuit. Il avait rattrapé l’eunuque dans la rue, après qu’il eut quitté le commissariat de police.
    —  Si vous le souhaitez, demain, je pourrais vous conduire chez M. Roberts, lui avait-il proposé, ce que l’autre, bien entendu, avait immédiatement accepté.
    Après quoi, voyant que le vieux confident de l’empereur Daoguang ne savait pas trop où passer sa soirée, il lui avait proposé d’aller fumer de l’opium. L’eunuque avait commencé par décliner l’invitation avec des mines effarouchées. Il n’avait jamais touché à la drogue et ce n’était pas à son âge qu’il allait commencer. Mais l’autre, toujours en manque, avait lourdement insisté :
    —  Qu’est-ce qui vous retient   ? Dans cette fumerie, on sert un opium d’excellente qualité à un prix très raisonnable, surtout pour les nouveaux clients !
    Wang désignait une enseigne aguicheuse qui promettait de conséquents rabais aux consommateurs qui se rendaient pour la première fois aux Dix Mille Ciels.
    —  Ce n’est pas une question d’argent ! Mes poches sont pleines.
    La confidence n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd et l’indic avait redoublé de zèle pour faire fléchir l’eunuque.
    —  Laissez-vous tenter ! Vous passerez un moment délectable pendant lequel tous vos soucis vont miraculeusement s’évanouir !
    Bien qu’en matière de tuiles, ce pauvre Toujours Là fût amplement servi, il avait continué à se faire prier. Rares étaient les eunuques qui prenaient de l’opium car la drogue était connue pour émousser les capacités manœuvrières des individus.
    —  Commençons donc par nous rendre chez cet Américain. Si j’arrivais à mettre la main sur La Pierre de Lune, ça arrangerait bigrement mes affaires !
    —  Roberts n’est disponible que le matin. Après quoi, il part en ville pour y faire ses prêchi-prêcha et exhorter les foules à se convertir à son Dieu.
    —  Peu importe. Essayons tout de même, ça ne coûte rien !
    —  Demain, c’est jeudi. Avec un peu de chance, nous nous retrouverons nez à nez avec La Pierre de Lune ! C’est le jour où il débarque chez Roberts !
    Le ton était si péremptoire que, de guerre lasse et à bout d’arguments, Toujours Là, épuisé par la pénible séance chez le chef Liang, avait fini par se laisser entraîner aux Dix Mille Ciels. Avec l’argent de l’eunuque, Wang avait loué un petit box tapissé de soie noire et de miroirs puis installé son compagnon sur sa couchette. Lorsqu’il y était revenu, quelques minutes plus tard, muni du nécessaire à opium, il avait trouvé le vieil homme profondément endormi sur son oreiller de faïence. Il s’était bien gardé de le réveiller et avait passé la nuit à s’adonner à son vice, jusqu’à ce que, au petit matin, le castrat se réveillât enfin, tout étonné de se retrouver là. Alors, sans autre forme de procès, l’indic toxicomane lui avait fourré le tuyau de sa pipe dans la bouche et demandé d’aspirer à fond, ce qui lui avait provoqué cette terrible nausée. Quelques instants plus tard, il avait commencé à rendre ses boyaux. Dans le box, l’odeur de vomi était devenue suffocante.
    —  C’est que… je n’ai encore jamais pris d’opium… finit par avouer Toujours Là qui se tenait le ventre avant de se mettre à gémir de plus belle.
    L’indic se mordit les lèvres. Il avait mal joué. Les organismes qui goûtaient pour la première fois aux substances opiacées, et surtout ceux des personnes d’un âge avancé, supportaient fort mal l’absorption de plusieurs doses consécutives car elles étaient susceptibles de leur provoquer des embolies cardiaques. S’il avait

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