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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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dédouanement s’effectue sous mon autorité directe !
    La susceptibilité de Niggles était à rude épreuve. Où donc Antoine était-il allé pêcher tout ça   ? Il n’arrivait pas à déterminer si ses propos relevaient d’insinuations malveillantes quant à l’efficacité et à la qualité des procédures de contrôle internes de son entreprise ou s’ils étaient fondés sur des éléments tangibles.
    —  Je n’invente rien ! D’ailleurs, pourquoi voudriez-vous que je vous raconte des histoires   ? Je suis aussi désolé que vous de cette situation.
    Niggles scruta le regard de baby face. Il avait l’air parfaitement sincère, sans compter que le règlement de Jardine & Matheson stipulait que seul un fondé de pouvoir ayant la nationalité anglaise pouvait signer les bons de sortie des marchandises stockées dans les entrepôts. Cela collait parfaitement avec le fait que le chef des pirates l’avait pris pour un Anglais. Il devait y avoir du coulage au sein de sa filiale.
    —  Et comment avez-vous échappé – si j’ose dire ! – à cette… euh ! pour le moins étonnante… euh ! disons… corvée   ? souffla-t-il, accablé.
    D’une voix empreinte d’émotion, Antoine lui raconta l’attaque du consulat britannique avant d’achever son récit par ces mots :
    —  J’ai eu beaucoup de chance, Jack. Si la police impériale n’était pas intervenue, je ne serais pas devant vous et le pillage de vos entrepôts continuerait de plus belle !
    —  Les indicateurs jouent parfois un rôle utile, ajouta Niggles à voix basse, comme s’il se parlait à lui-même.
    Antoine Vuibert acquiesça et conclut :
    —  Je vous tracasse en vous faisant part de ces dysfonctionnements, mais j’ai estimé de mon devoir de vous prévenir.
    —  Et vous avez fort bien fait, mon cher, de m’informer de cette situation pour le moins inquiétante ! D’ailleurs, je ne vous en remercierai jamais assez !
    La voix de Niggles tremblait.
    —  Il n’y a pas de quoi !
    —  Et comme un homme averti en vaut deux, il ne me reste plus qu’à me rendre à Canton pour tirer cette affaire au clair ! lâcha le marchand d’opium avec une moue de contrariété.
    —  Vous savez, cher Jack, il y a partout des gens malhonnêtes…
    —  Surtout dans ce foutu pays ! Sur dix Chinois, neuf et demi sont des gredins… du gibier de potence ! soupira l’Anglais, rageur, en tapant du pied.
    —  Quand les pauvres sont trop nombreux, la richesse attire de multiples convoitises…
    —  La pauvreté n’a jamais excusé la malhonnêteté. S’il voyait comment se comporte l’immense majorité de ses descendants, le malheureux Confucius se retournerait dans sa tombe !
    Antoine, dont l’avis sur cette question était fort différent de celui de Niggles, préféra ne pas répondre.
    Les événements qu’il venait de vivre avaient changé son regard sur la société chinoise. D’immenses tensions la traversaient, qui constituaient autant de lignes de fracture annonciatrices de séismes dévastateurs. Dans ce pays où tout paraissait lisse et le respect des rituels monnaie commune, les rapports entre les gens pouvaient passer en quelques secondes de l’indifférence à la violence la plus extrême. Les famines endémiques, les ravages de l’opium, la déliquescence de l’État mandchou, la corruption des fonctionnaires, y compris des juges et des policiers, la morgue des mandarins d’origine Han, l’analphabétisme des masses, les épidémies récurrentes qui pouvaient décimer des centaines de milliers de personnes, les crues dévastatrices des canaux, des fleuves et des rivières dont les berges n’étaient plus entretenues depuis des lustres, la sécheresse qui anéantissait les récoltes en raison des très mauvaises conditions de maintenance des systèmes d’irrigation dont la plupart dataient de la dynastie des Song, le déplorable statut de la femme chinoise, dont les misérables pieds brisés étaient le tragique symbole, réduite au rang de pauvre esclave domestique aliénée par le mâle, le nombre incalculable de fillettes tuées par leurs parents parce qu’elles étaient des bouches à nourrir inutiles puisqu’elles étaient destinées à appartenir à la famille de leur mari, enfin et surtout, le peu de prix qu’on accordait à la vie humaine tellement le réservoir de la population semblait inépuisable – autant d’éléments qui finissaient, selon Antoine, par constituer un

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