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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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belle qu’à l’intérieur…
    « Vous êtes le genre de modèle que tout portraitiste se délecte à croquer sous tous les angles ! On va faire mieux. Ne bougez pas, s’il vous plaît. Votre attitude est parfaite ! lui lança-t-il après l’avoir installée devant une pelouse engazonnée typiquement anglaise.
    Au bout d’un quart d’heure, John, qui n’était décidément pas en manque d’inspiration, avait déjà rempli trois feuilles, plus ressemblantes les unes que les autres.
    —  Savez-vous quoi, Irina   ? J’aimerais tellement faire de vous une gouache ! Vos yeux, votre teint, vos cheveux, tout cela mériterait la couleur, la supplia Bowles.
    —  Vous peignez à la gouache   ?
    —  Je l’ai pratiquée lorsque j’étudiais à l’Académie royale des beaux-arts de Londres…
    —  Que je sache, les illustrations des journaux ne sont pas en couleurs !
    Bowles, accablé, fit non de la tête.
    —  Dans ce cas, ne pensez-vous pas qu’un bon dessin comme celui-ci suffirait à illustrer votre article   ? Il est vraiment très ressemblant ! fit-elle en désignant la première des feuilles où John l’avait représentée en buste, de trois quarts.
    —  Vous êtes trop indulgente ! protesta John, décontenancé.
    Elle se leva. Il craignait tellement d’en rester là avec elle qu’il revint maladroitement à la charge.
    —  Au fait, Irina, quand pourrait-on se revoir pour ce portrait à la gouache   ?
    Elle le rembarra gentiment.
    —  Je crains que ce ne soit difficile… Je suis si occupée à essayer de retrouver mon fils… Pour moi, c’est la priorité des priorités.
    —  Comment voulez-vous que je puisse rédiger convenablement mon papier si vous ne me donnez pas l’opportunité de vous revoir   ? s’écria Bowles, piqué au vif.
    —  Je vous ai tout raconté, John !
    Pris de court, Bowles inventa une histoire.
    —  Si vous acceptiez de répondre à trois ou quatre questions plus précises que je vous poserais, cela renforcerait singulièrement la crédibilité de mon papier. Les lecteurs du journal sont friands d’interviews…
    —  John, quand comptez-vous le publier, ce papier   ? s’enquit la Sibérienne avec des airs de petite fille abandonnée par les siens.
    —  Le plus tôt possible. Je n’ai qu’une parole !
    —  En Russie, aucun journal n’accepterait de publier une telle histoire de peur qu’elle ne perturbe les relations entre le tsar et l’empereur de Chine !
    —  En Angleterre, la presse est libre.
    —  La presse n’est jamais libre. La presse a besoin d’argent…
    —  Ce sont ses lecteurs qui font vivre un journal.L’ lllustrated London News n’a qu’un seul maître : son lectorat !
    —  Plaise au ciel que vous disiez vrai, John, souffla-t-elle en frissonnant.
    Au moment où elle lui tendait la main, Bowles, dont le cœur battait la chamade, lui lança :
    —  Seriez-vous disponible demain   ? D’ici là, j’aurai eu le temps de préparer mes questions…
    —  Pour votre interview   ?
    Il acquiesça, avec les yeux d’un chien qui attend la caresse de son maître.
    —  Ici à la même heure, c’est possible, murmura-t-elle tristement. Lorsqu’il rentra à son auberge à la nuit tombante, John se jeta sur son lit et, les yeux rivés au plafond, se mit à penser à l’incroyable histoire de La Pierre de Lune en se disant qu’un jour – qui sait   ?  – , peut-être aurait-il la chance de rencontrer l’enfant d’Irina Datchenko et de Daoguang…
    Bercé par cette illusion, il finit par sombrer dans un profond sommeil.

 
    43
     
    Canton, 12 octobre 1847
     
    —  Monsieur a l’air bien fatigué… Je vais lui préparer du thé, murmura Zhong le Discret à son maître qui rêvassait, affalé sur un fauteuil d’osier à moitié dévoré par l’humidité.
    Sa première semaine d’enquête avait complètement épuisé Niggles, qui avait décidé de s’octroyer une journée de repos. Alors que les interrogatoires des magasiniers qui se réfugiaient tous dans un mutisme réprobateur ne donnaient rien, l’inventaire des stocks laissait apparaître de nombreux écarts entre la marchandise entreposée et les quantités théoriques. Accablé, le directeur de Jardine & Matheson en Chine avait découvert que l’« évaporation » était loin de ne concerner que les caisses d’opium. Toutes les denrées stockées dans ses magasins, du thé de Ceylan aux cotonnades d’Angleterre, en passant par les

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