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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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capitaine Gault, qui n’était pas en reste, invitait volontiers ses passagers à jouer aux dames, aux dominos ou aux échecs tout en buvant un verre de fine dans la soupente qui avait été affublée du nom pompeux de « carré du commandant ».
    Après avoir sifflé un coolie qui s’empressa d’entasser leurs bagages sur une brouette, Antoine aida les deux hommes à accomplir les formalités douanières. À vrai dire, elles avaient été considérablement allégées depuis son arrivée dix-huit mois plus tôt, les autorités chinoises se révélant de moins en moins capables d’assumer leurs prérogatives fiscales en raison de la crise des finances publiques qui privait de leur solde de nombreux fonctionnaires. Le préposé de service au guichet se contenta de regarder d’un œil torve le passeport diplomatique que Charles de Montigny lui tendit.
    —  Qui est cet officiel   ? lança alors, toutes griffes dehors, un petit fonctionnaire barbichu.
    Juché sur une estrade au fond de la pièce, il n’avait pas l’air commode et se faisait servir du thé par un serviteur qui le regardait avec des yeux apeurés. À en juger par les trois boules pendant de sa calotte, il s’agissait d’un mandarin du troisième grade.
    —  M. de Montigny est le représentant de la France à Shanghai, répondit Antoine.
    —  La France   ? s’écria le fonctionnaire, dont les yeux étaient si fendus qu’ils paraissaient sourire perpétuellement et qui avait parfaitement compris qu’il avait affaire à un diplomate de nationalité étrangère.
    —  Oui, la France ! insista Antoine.
    —  J’ignore où est la France ! lâchèrent les trois boules d’un ton sec.
    —  La France est un pays qui touche l’Angleterre, expliqua Vuibert, sous le regard furieux de Charles de Montigny.
    —  Il m’est impossible d’accorder un visa au visiteur qui vient d’un pays que je ne connais pas !
    —  Je crois bien qu’il va falloir graisser la patte à ce sacripant… chuchota Antoine à l’attention du consul de France et de Stocklett.
    —  Il n’attend évidemment que ça ! fit ce dernier avec une moue de dégoût.
    Antoine sortit de sa poche un chapelet de taels et le posa sur le comptoir, bien en évidence. Le guichetier apporta l’argent au mandarin barbichu qui, après l’avoir compté, glissa quelques mots à l’oreille du factotum.
    —  Pour que le chef du bureau des entrées reconnaisse le pays appelé France, il faudrait que les honorables nez longs fassent un effort d’explication ! déclara le plus sérieusement du monde celui-ci aux trois étrangers.
    —  En doublant la mise, je pense que ça ira, fit Vuibert en joignant le geste à la parole.
    —  Vous pouvez passer ! lâcha le guichetier non sans s’être, au préalable, concerté avec son barbichu de chef.
    —  Je n’imaginais pas que l’administration chinoise était pourrie à ce point ! murmura le consul de France tandis que le mandarin appliquait le sceau adéquat sur son laissez-passer.
    —  À vrai dire, moi non plus ! souffla son collaborateur qui se souvenait de la facilité avec laquelle il avait franchi, quelques mois plus tôt à peine, le même obstacle en compagnie de Diogo de Freitas Branco.
    —  C’est fou ce que la ville a pu changer ! s’exclama le consul de France au moment où ils franchissaient la porte de la muraille séparant Shanghai de son port marchand.
    Dans la ville-marché qui se transformait de jour en jour, un monde nouveau, où l’argent et le commerce régnaient en maîtres absolus, remplaçait l’ancien, fait de rituels et de codes qui s’effaçaient peu à peu, alors qu’ils avaient semblé immuables : les maisons pimpantes de trois ou quatre étages, dont le rez-de-chaussée était invariablement occupé par une échoppe, poussaient à présent comme des champignons et les rues taillées au cordeau remplaçaient les venelles tortueuses où s’entassaient les ordures. Même les mendiants, moins nombreux que par le passé, désertaient la ville qui, en s’aseptisant, leur devenait hostile.
    —  Le temps viendra où Londres ne sera guère plus qu’un gros village comparé à Shanghai, soupira Nash Stocklett devant les nuées d’échafaudages et le va-et-vient incessant des matériaux de construction portés par des milliers de manœuvres marchant à la queue leu leu comme des fourmis en train d’aménager leur fourmilière.
    —  Monsieur le consul, je me suis permis de vous

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