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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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réserver une chambre au Grand Hôtel. À dire vrai, c’est le seul établissement digne de porter ce nom ici, annonça Antoine à l’intéressé.
    —  Vous avez bien fait ! Je connais cette maison pour y avoir logé lors de mon précédent séjour ! Les chambres y sont d’une propreté impeccable.
    —  Croyez-vous qu’ils auront une chambre pour moi   ? s’enquit Stocklett.
    Visiblement inquiet, le comptable de Jardine & Matheson, très impressionné par l’énormité de Shanghai, ne se voyait pas partir seul dans cette ville si grouillante et si sale, à la recherche d’un endroit où coucher.
    —  Ce devrait être possible. Le patron est un Indien originaire de Singapour ayant servi comme concierge dans un palace de Genève. Il déteste refuser des clients occidentaux…
    —  Au pire, mon cher Nash, vous pourrez toujours partager ma chambre ! Nous y ferons rajouter un lit ! conclut Charles de Montigny avec un grand sourire.
    Le Grand Hôtel était un bâtiment de huit étages au style ostentatoire doté d’un porche soutenu par une colonnade pompeuse ornée d’une frise d’angelots, un ersatz des somptueux palaces des stations thermales européennes comme il commençait à s’en construire dans les ports francs de Chine où les puissances occidentales pouvaient désormais commercer à leur guise. Le directeur indien dénicha facilement une chambre pour Stocklett et les deux voyageurs montèrent dans leur chambre pour se changer. Stocklett descendit le premier.
    —  Quelle humidité… en plein hiver ! C’est bien pire qu’à Londres.
    —  Ici, beaucoup de gens souffrent de rhumatismes, répondit Antoine qui l’attendait dans le hall au milieu des porteurs affairés autour des clients.
    —  On m’a dit qu’il fallait aussi faire attention à la dysenterie et à la fièvre jaune. Il paraît qu’on appelle ça la « fièvre putride ».
    —  Les gens qui ont cette fièvre se vident de leurs viscères.
    —  J’ai pris avec moi quelques boîtes de poudre d’écorce de quinquina {28} . Je comptais en faire usage pour me fabriquer du gin tonic, mais je préfère les garder en cas de fièvre tierce, dit le comptable d’un air maussade.
    Trois Chinois aux cheveux gominés qui avaient fait irruption dans l’hôtel, curieusement vêtus à l’occidentale, se mirent à rôder autour d’eux en les dévisageant à la dérobée. Antoine, qui avait observé leur manège, dit à l’Anglais :
    —  Cher monsieur, à votre place je ferais attention à mes poches…
    —  Pickpockets   ?
    Vuibert acquiesça.
    —  Mais que fait la direction de l’hôtel, grands dieux ! s’agaça l’ancien chef comptable.
    —  Ces gens sont de mèche avec les concierges. Sinon, on ne les aurait pas laissés entrer… Remarquez, il peut tout aussi bien s’agir de membres de la police secrète impériale ! Le gouvernement fait la chasse aux triades et aux mouvements nationalistes.
    —  Il y en a beaucoup   ?
    —  Presque à tous les coins de rue. Les Mandchous sont de plus en plus mal vus par les Han. Vous savez, ce pays est un vrai baril de poudre… il suffirait d’une allumette pour que tout explose !
    L’arrivée de Charles de Montigny qui s’était changé et aspergé les cheveux d’eau de Cologne interrompit leur conversation.
    —  Allons prendre un verre, voulez-vous   ? fit le consul de France.
    —  Je mangerais bien un morceau, Charles, répondit l’Anglais, qui avait l’estomac dans les talons.
    —  Un ancien marin originaire de La Haye a ouvert un restaurant indonésien. C’est juste de l’autre côté de la rue. Il sert un excellent ricetaffel   ! suggéra Antoine.
    En traversant la rue, les deux voyageurs, encore peu habitués à la terre ferme, manquèrent de se faire renverser par des pousse-pousse lancés à pleine vitesse.
    —  Alors, Nash, que pensez-vous de Shanghai   ? fit le consul de France tandis qu’un serviteur indonésien leur apportait la kyrielle de plats de ce repas traditionnel indonésien.
    —  À vrai dire, tout y est assez intimidant. La foule, la crasse, la misère… ces vieillards dormant à même le trottoir…
    —  Il faudra vous y habituer, mon cher. Quand j’ai débarqué ici avec M. de Lagrené, c’est à peine si je pouvais faire trois pas dans les rues sans défaillir ! Trois mois plus tard, j’enjambais les cadavres sans même y prêter attention. Vous savez, la vie ici n’a pas le même prix que chez nous ! La

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