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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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raison de se méfier d’Antoine Vuibert, s’écria, aux anges :
    —  Et dire que les collègues ministériels se désolaient de ne pas avoir eu le temps de vous faire prévenir de mon arrivée. Il faut dire que c’est le ministre Guizot en personne qui a décidé de précipiter mon départ. Mon cher Vuibert, il sera dit en haut lieu que vous êtes quelqu’un de dévoué et de consciencieux. C’est bien !
    Antoine, touché au cœur par le compliment, trouvait que la journée commençait plutôt bien.
    —  Avez-vous fait bon voyage, monsieur le consul   ?
    —  Parfois un peu agité… la forte houle habituelle au passage du cap de Bonne-Espérance et une tempête essuyée avant le détroit de la Sonde. À part ça, tout s’est déroulé comme prévu, c’est-à-dire pour le mieux dans le meilleur des mondes ! assura Montigny dont le large sourire illuminait la face plutôt austère encadrée par des rouflaquettes d’ordinaire taillées au millimètre mais qu’estompait actuellement une barbe de plusieurs jours.
    —  J’en suis fort aise, monsieur le consul !
    Le diplomate se tourna alors vers son compagnon et lui dit avec ce ton inimitable et faussement détaché de l’homme du monde :
    —  Mon cher Nash, puis-je vous présenter mon assistant, Antoine Vuibert… un homme jeune… mais néanmoins fort efficace !
    M. de Montigny avait accompagné son propos d’une grosse tape dans le dos du jeune Français qui s’en était cabré de douleur.
    —  Ravi de vous connaître, monsieur Vuibert. Mon nom est Nash Stocklett et je viens de Londres.
    —  Enchanté, monsieur Stocklett.
    La main étrange et souvent facétieuse du destin avait fait prendre le Puissant en même temps à Charles de Montigny et à Nash Stocklett ! Qui plus est, il ne leur avait pas fallu plus de deux jours pour faire connaissance et sympathiser jusqu’à devenir d’inséparables compagnons de voyage. Pendant les dix longues et éprouvantes semaines de navigation en haute mer et sans escale qui étaient nécessaires pour atteindre Batavia, les deux hommes ne s’étaient pas quittés d’une semelle. Dans ces voyages hauts en couleur, il ne fallait pas avoir froid aux yeux ni se montrer trop délicat.
    Comme cela se pratiquait désormais pour les longues traversées, au fond des cales du steamer, le cuisinier et l’équipage avaient entassé une véritable ménagerie destinée à remplacer les éternels biscuits et salaisons qui formaient l’ordinaire des passagers des premiers voyages au long cours. Les poules, les lapins, les cochons, les dindons et autres moutons, abattus au fur et à mesure de la traversée, étant autant sujets au mal de mer que les humains, leurs déjections empuantissaient à un tel point l’atmosphère du navire que Montigny et Stocklett avaient effectué l’essentiel de la traversée sur le pont, y compris par gros temps. Lorsque la houle était trop forte et qu’il fallait descendre dans la cabine, c’était un véritable supplice que de subir les cris incessants, les piaulements désespérés et les odeurs putrides qui remontaient des entrailles de cette arche deNoé.
    Dès le golfe de Gascogne, où soufflaient des vents qu’on disait ensorcelés par le terrible géant Gascon, avant la plongée direction plein sud vers le « Grand Océan », la mer donnait un bref aperçu des surprises qu’elle était susceptible de ménager aux occupants du navire pendant la traversée. Les tempêtes gasconnes, aussi courtes que violentes, engloutissaient plus d’un navire avant de pousser leurs épaves vers les côtes landaises où des pilleurs les faisaient brûler après en avoir volé la cargaison. Puis, la péninsule Ibérique doublée, on longeait les côtes africaines où, n’étaient les dauphins qui caracolaient devant l’étrave, les nuées de poissons volants qui s’abattaient sur le pont ou encore une baleine égarée là avec son baleineau, on ne croisait âme qui vive car les navires passaient bien trop au large pour apercevoir les pirogues des pêcheurs noirs. Deux mois plus tard, après avoir franchi le pot au noir de l’équateur, on atteignait le cap de Bonne-Espérance où la houle et les forts courants drossaient beaucoup de navires vers les terribles falaises acérées de piques rocheuses. La mésaventure avait failli arriver au Puissant , dont l’équipage, sous la houlette efficace de Gault des Étages, avait vaillamment lutté plus de huit heures d’affilée pour

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