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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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doucement le dos. Le drap grossier de sa tunique chuchota dans le silence, et quelques pétales blancs en tombèrent.
    Lorsque Louis la raccompagna à la maison en la tenant par le bras, leurs vêtements et leurs cheveux étaient décorés de pétales froissés et d’herbe neuve.
    La brise rafraîchie faisait frémir la crête mousseuse des arbres dont le jeune feuillage abritait une nuée d’oiseaux au ventre roux. Le crépuscule de mai bruissait de leurs chants. Un autre son joyeux s’y immisçait parfois, évoquant lui aussi un bonheur tout neuf. Dans un champ tiède, le petit Adam, assis entre deux sillons, éclatait de rire à tout instant. Accroupi près de lui, le père Lionel s’amusait à cacher son visage rose de plaisir à la vue du bébé.
    — Bouh ! s’exclama-t-il en se redressant devant le poupon ravi dont l’hilarité le fit presque tomber à la renverse.
    — Gapou ! cria-t-il en échappant une sucette en cuir trempée de salive.
    Il tendit l’une de ses menottes en direction du menton du religieux, dont les traits ascétiques avaient acquis depuis un an quelque chose d’enfantin.
    — Oh, Adam, Adam, mon petit homme, dit-il en roucoulant sous les griffures des ongles coupants du bébé.
    — A-ha, dit Adam, tout heureux.
    Il ramassa sa sucette constellée de terre et l’offrit au moine. Lionel la prit pour l’essuyer sur sa coule et la lui remit.
    — Tiens, reprends-la, mon trésor. Nous allons rentrer, maintenant. Tu le veux bien, petit homme ? Oh, bonjour, Louis. As-tu passé une bonne journée ?
    — Oui, dit Louis en jetant un bref coup d’œil au petit.
    — Je m’en reviens d’une promenade avec Adam. Quel amour ! C’est un régal pour moi que de dorloter cet enfant.
    — Rentrons, dit Louis.
    Lionel se pencha pour prendre le bébé, qui laissa à nouveau tomber sa sucette dans le sillon. Le moine la ramassa patiemment et en retira un jeune brin d’herbe qui y avait adhéré.
    — Gapou, Gapouuu !
    Adam se frotta affectueusement le nez contre la poitrine étroite du moine qui dit :
    — Un seul petit Adam. Rien qu’un, et voici retrouvé le jardin perdu.
    Louis regarda le bébé plus longuement. Le souper était prêt à servir. Louis passa au seau d’eau fraîche, après quoi il se fit remettre Adam afin que Lionel pût se rafraîchir à son tour.
    — Les vendanges s’annoncent enfin bonnes, cette année, fit remarquer Louis qui s’occupait à défaire gentiment l’étreinte d’Adam afin de le remettre à sa mère.
    — Non ! Non, veux Pa !
    Pendant ce temps, Margot préparait un siège surélevé destiné à recevoir le bébé et ses inévitables projectiles de purée. Chacun s’attabla avec à l’esprit la perspective des longues journées estivales qui s’étiraient langoureusement comme des chats voluptueux étendus au soleil pour leur seul plaisir. L’heureux présage d’un travail lucratif au vignoble à la fin de l’été ne faisait qu’ajouter à leur satisfaction. Les vendanges étaient un dur labeur dont les diverses étapes s’échelonnaient sur des semaines, voire des mois : elles commençaient bien entendu avec la récolte à la serpette (60) , suivie de l’écrasement des grappes. Pendant des années, tout le hameau et la famille, y compris Lionel et Jehanne, avaient été réquisitionnés pour assumer à tour de rôle la cueillette et la fastidieuse corvée du foulage*. Or, cette année-là, Louis avait résolu de mettre un terme à ce second labeur en faisant l’acquisition d’un pressoir. Le pressage allait non seulement permettre de libérer les paysans pour quelque autre travail urgent de la moisson, mais en plus il allait accélérer le procédé. Les grappes entières, déversées dans une cuve et écrasées par pression, allaient produire un jus mélangé aux parties solides. Une fois filtré, ce jus devenait du moût qui était prêt à subir, selon l’usage qu’on désirait en faire, diverses étapes de fermentation, de dessiccation ou de cuisson. Venait ensuite le stockage des vins blancs ou rouges, des boissons variées, du vinaigre et des sucres grossiers. Quant aux résidus qu’étaient les baies dilacérées, les rafles et les pépins, ils n’étaient pas gaspillés : on en mettait une partie de côté pour la macération, et le reste servait de fourrage, d’engrais ou de matériau destiné à assurer l’étanchéité.
    — Mamamaaa ! tonna Adam, contrarié d’avoir été ainsi délaissé dans son

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