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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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craignait tout à la fois. Sans avoir jamais fait l’objet d’une punition ou même de remontrances de sa part, Adam se sentait incapable de désobéir à Père. Les rares paroles que Louis lui adressait étaient trop précieuses pour être gâchées. Adam souffrait en secret d’un manque inexplicable. Il eût voulu que, de temps en temps, Père s’arrêtât pour le prendre dans ses bras et que, sans raison, il lui ébouriffât les cheveux de sa grande main. Ces simples marques d’affection, il les recevait pourtant en abondance. Mais ce qui en rendait le manque inexplicable, c’était le fait qu’Adam ne se souvenait pas d’en avoir déjà reçu de Louis.
    Père était en général tel qu’il le connaissait : doux, tolérant et peu démonstratif. Mais, à l’occasion, sans qu’Adam comprît pourquoi, Père devenait subitement trop grand, trop noir, et ses yeux lançaient des éclairs. Alors, il lui faisait peur. Lorsque cela arrivait, Adam s’en allait se cacher avec les chats de la vieille tour. Père ne le pourchassait jamais.
    Mais dès que Louis lui disait quelques mots ou lui donnait à goûter une des délicieuses pâtisseries qu’il confectionnait à l’occasion, une sorte de magie opérait et l’enfant ne demandait pas mieux que d’abandonner ses craintes comme un serpent abandonne sa vieille peau. Père n’était pas méchant, après tout ; il lui arrivait juste d’être un peu effrayant. Il ne fallait pas lui en vouloir puisqu’il était fait comme cela.
    En dépit de sa forte grippe, Jehanne se sentait l’âme légère depuis que tout prenait enfin sa place dans l’existence de chacun. Pas tout à fait tout, cependant. Il restait un fragment de sa vie qui demeurait incomplet et qu’elle n’arrivait à placer nulle part. Cela la mettait parfois mal à l’aise. Ce fragment se nommait Sam. Il lui arrivait souvent de penser à lui, mais force lui était d’admettre que cela se produisait de moins en moins. Et elle s’en voulait de s’en sentir allégée.
    Elle se leva de bon matin et descendit dans la cour. Elle se pencha pour prendre une poignée de neige de la Chandeleur. Au toucher, elle paraissait moins froide que d’habitude et ressemblait à du duvet sur sa paume nue. La jeune femme l’embrassa et la sentit fondre en pétillant sur ses lèvres. Elle retourna à l’intérieur et rit d’y retrouver seulement Miel, son chat jaune. Il était de très mauvaise humeur. Tout honteux, l’animal se promenait à travers la pièce, en quête de secours. Il avait été déguisé avec de petits habits appartenant à la marionnette d’Adam. Louis rentra à son tour. Il faillit mettre le pied sur un chariot miniature en bois rouge.
    — Attention, dit Jehanne, juste à temps.
    Son mari poussa l’objet malicieux d’un petit coup de pied. La jeune femme ajouta, alors qu’elle se penchait pour ramasser le chariot :
    — Oui, mon minet, je m’occupe de toi. Quel chantier, ici. On voit tout de suite que mon petit ange cornu a été confiné à l’intérieur ce matin, hein ? Il y a des jouets partout.
    — Attendez, dit Louis en prenant le bras de Jehanne et en la contraignant à déposer le chariot par terre.
    Il enleva son floternel* et se mit à chercher dans les autres pièces, Miel à ses trousses. Lorsqu’il trouva Adam qui jouait dans l’ancienne chambrette de Jehanne, il en maintint la porte ouverte. Miel décida de changer à nouveau de Bon Samaritain et trotta de travers jusqu’à Jehanne pour se faire dépouiller de sa prison d’étoffe.
    — Va ramasser tes affaires, ordonna Louis à Adam, d’une façon qui ôta à l’enfant toute envie de remettre cette corvée à plus tard.
    Boudeur, le garçonnet, suivi de son père, alla dans la pièce à vivre et rassembla ses jouets épars. Il retourna ensuite dans la chambrette, les bras chargés. Il laissa tout bruyamment tomber à ses pieds et claqua la porte.
    — Non, Louis ! dit Jehanne.
    Cette fois, c’était elle qui retenait son mari par le bras. Il consentit à renoncer et se détendit quelque peu.
    — Vous me trouvez trop sévère, dit-il.
    — Je sais que cela devient plus difficile vers les deux ou trois ans qu’avec un bébé tout innocent et dépourvu de la moindre malice. Il est turbulent, mais il n’a quand même que quatre ans.
    — C’est l’âge de raison. Je l’ai laissé aller tant que j’ai pu.
    — Vous dites vrai, bien sûr.
    — Maintenant, il va falloir qu’il cesse ses

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