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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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qu’il s’était fabriqué pour sa sieste. Il se tenait à présent debout à côté de Louis qu’il gratifiait de son joyeux babillage. De cajolerie en cajolerie, il se lança en avant pour l’empoigner par sa tunique, ce qui constituait déjà en soi un exploit. Adam gazouilla joyeusement de plus belle et attira Louis à lui en le tirant par les cheveux. L’homme se laissa secouer docilement, la tête inclinée et les mains sur les cuisses.
    — Pa, pa, paaaaa ! dit l’enfant ravi qui manqua perdre l’équilibre.
    Il se rattrapa de justesse avec son autre menotte. Un petit ongle coupant comme une lame traça une égratignure sur la lèvre inférieure et le menton de Louis. Il trottina vers l’avant et plaqua ses deux mains sur la poitrine du géant. Il rejeta la tête en arrière, et un rire de cascatelle s’éleva de sa bouche grande ouverte. Il contourna l’homme en noir sans aide et entreprit de lui triturer la joue droite. Toujours sans réagir, Louis se laissa piétiner une main par un petit chausson égaré. Il dut lever la tête pour éviter l’intrusion d’un doigt dans sa narine, mais il semblait s’être soumis de son plein gré à une quantité d’autres adorables tortures. Finalement, Adam trébucha et se laissa tomber à genoux. Il se redressa pour se nicher sous le bras de Louis. L’enfant l’étreignit en frottant gauchement son nez retroussé contre le drap noir. Jehanne put entendre plusieurs « pa-pa-pa » assourdis.
    Elle en fut si bouleversée qu’elle remarqua à peine l’arrivée du moine derrière elle. Il venait tout juste de se réveiller en sursaut et, l’air contrit, il l’avait rejointe. Son visage se dessina donc aux côtés de celui de la jeune mère dans l’entrebâillement de la porte.
    S’il conservait une attitude très passive sous les manipulations d’Adam, Louis n’en avait pas moins les yeux humides. Il renifla à plusieurs reprises. La dernière chose à laquelle il s’était attendu ce jour-là, c’était certes de se voir accueilli par un poupon joufflu, vacillant sur ses petites jambes, qui s’était spontanément avancé vers lui en tendant les bras.
    Jehanne et Lionel reculèrent tous deux en silence et refermèrent la porte avec précaution. Lorsqu’ils se furent suffisamment éloignés, elle se jeta dans les bras de l’aumônier.
    — Ses premiers pas… il les a faits pour lui, dit-elle.
    — Béni soit cet enfant.
    Lionel leva les yeux au ciel et ajouta, d’une voix émue :
    — Bonne, bonne Jehanne ! Mon fils a bien de la chance.
    Les prunelles de la jeune mère étincelaient, transparentes comme une eau ensoleillée. Elle demanda :
    — C’est trop. Qu’ai-je bien pu faire pour mériter tout cela ? Lionel caressa les longs cheveux de sa protégée et souffla :
    — Je me pose la même question à propos de moi.
    *
    Louis avait fini de bouchonner Tonnerre et avait vérifié ses paturons. Il rangea la brosse et l’étrille et posa la paume de sa main sur les naseaux reconnaissants pour souhaiter la bonne nuit à son cheval.
    Dans le pré qui s’étendait derrière l’écurie, leur unique chèvre blanche broutait. Quelques roses en boutons s’étaient égarées parmi un groupe festif de jacinthes bleues et mauves, en compagnie desquelles il y avait tout juste assez d’individus blancs pour que l’ensemble plût à l’œil. Dans un coin un peu plus ombreux, les innocentes petites faces bleues des myosotis, ternies par le soleil, refusaient avec obstination de regarder à terre. Même flétrie, cette « herbe d’amour » demeurait belle jusqu’au matin, alors qu’on se rendait subitement compte en passant à côté qu’elle n’était plus là. Louis se hasarda dans le verger où une volée de passereaux fila jusqu’au pommier noueux afin d’y attendre un oiseau retardataire qui n’avait qu’une patte. L’infirme vint voleter au-dessus de l’homme avant de disparaître à son tour dans le tulle parfumé de l’arbre. La brise du crépuscule, s’amusant avec les fleurs de pommier en déclin, simulait la neige. L’allée semée de leurs pétales était en liesse.
    — Ah, vous voilà, dit derrière lui Jehanne.
    Un brin de myosotis était accroché dans ses cheveux, et sa main serrait par ses rubans l’une de ses vieilles capelines.
    — On croirait presque voir une fée de jadis, dit Louis.
    — J’en suis une, dit Jehanne en lui souriant.
    Elle vint le rejoindre pour l’enlacer. Elle lui caressa

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